Journal d’un civil (78) Shabbat Vayigash

Samedi 23 décembre.

Aujourd’hui on sent l’hiver qui arrive. On a dû remettre le chauffage hier après-midi, et, dehors, le temps est maussade. Couvert, lourd, avec des nuages bruns qui semblent chargés de poussière. La température est fraîche. Entre 9°C et 17°C selon la météo, mais en température ressentie, selon moi, entre -10°C et -15°C.

J’ai retrouvé, dans le fond du placard, un tricot de peau Uniqlo censé garder la chaleur. Par-dessus je mets un t-shirt, un pull, une écharpe, une casquette en laine, et une doudoune en prime. On part avec les enfants pour aller à la prière du matin, et toutes ces couches sont à peine suffisantes !

Vers dix heures et demie, on reste au parc avec des amis pour que les enfants puissent jouer. Mais, fait notable, aujourd’hui on entend beaucoup de bruits. Des bruits d’explosion dans le lointain, des avions de chasse qui passent au-dessus de nous, et des sirènes d’ambulance.

Les téléphones sont éteints, ce qui fait qu’on ne saura pas avant ce soir ce qu’il se passe exactement, mais le bruit nous paraît si pressant, qu’on décide tous de rentrer un peu plus tôt que prévu. Je ne serai pas surpris que les nouvelles soient difficiles ce soir.

Le reste de la journée se déroule comme d’habitude. Déjeuner, temps calme, et sortie dans le parc en face de chez nous, celui qui est près d’un abri collectif, au cas où. Puis havdalah à l’heure prévue, et, ensuite, film familial du samedi soir d’hiver. Ce soir : Toy Story 2. Un rare exemple de film où la suite est meilleure que l’original, qui était déjà très bon.

Vers dix-neuf heures, les enfants vont se coucher. Ils sont épuisés. Avoir joué dans le froid va les aider à bien dormir. [Et effectivement, ils ont dormi jusqu’à 6 heures, ce qui, pour eux, est une longue grasse matinée].

Je rallume le téléphone, et voilà que ça va être l’heure de découvrir ce qu’il s’est passé. J’ai toujours un petit moment d’angoisse à cet instant précis. Je crains d’apprendre qu’une grosse catastrophe s’est déroulée. Je déroule peu à peu le fil de la journée et voilà ce que j’ai appris :

🔹Il y a eu 19 alertes pendant la journée.

🔹Le secrétaire général de l’ONU a fait une déclaration : « rien ne peut justifier les terribles attaques terroristes lancées par le Hamas le 7 octobre, ni l’enlèvement brutal de quelque 250 otages ».
Cette semaine, il a enfin visionné le film de 47 minutes monté par Tsahal à partir des images filmées par les terroristes eux-mêmes.
Deux mois et demi après les événements, on lui en sait gré. D’autant que lors de ses premières déclarations, il avait dit : « Il est important de reconnaître que les attaques du Hamas ne se sont pas produites dans le vide ».
Juste après le message condamnant le hamas, il a également écrit : « La manière dont Israël mène cette offensive crée des obstacles considérables à la distribution de l’aide humanitaire à l’intérieur de Gaza. Une opération d’aide efficace à Gaza nécessite de la sécurité, du personnel pouvant travailler en toute sécurité, une capacité logistique et la reprise de l’activité commerciale. »

🔹Khameini appelle les pays musulmans à ne plus livrer de pétrole à Israel. « Les nations musulmanes devraient exiger de leurs régimes qu’ils cessent d’aider Israël et qu’ils rompent leurs liens avec lui. »

On apprend également deux informations passées qui sont intéressantes.

🔹Premièrement, un membre du hezbollah dit qu’ils ont demandé au hamas s’ils souhaitaient un front au nord. « Nous avons demandé à nos frères de Gaza ce que nous pouvions faire. S’il fallait déclencher une guerre totale au Liban. Cela mettrait-il fin à la guerre à Gaza ou non ? déclare Musawi à la chaîne de télévision libanaise al-Manar. Leur réponse a été non, cela ne l’arrêterait pas, la guerre à Gaza ne prendra fin qu’avec la victoire d’Israël à l’intérieur de la bande de Gaza». (Source : Times of Israel)

🔹Deuxièmement, selon le Wall Street Journal, Israël était sur le point d’attaquer le hezbollah le 11 octobre, mais Biden l’a empêché. « Israël disposait de renseignements – jugés peu fiables par les États-Unis – selon lesquels des attaquants du Hezbollah se préparaient à franchir la frontière dans le cadre d’une attaque sur plusieurs fronts ». […] « Les avions de guerre israéliens étaient en vol et attendaient les ordres lorsque M. Biden a parlé à M. Netanyahou le 11 octobre et a dit au premier ministre israélien de se retirer et de réfléchir aux conséquences d’une telle action. » (Source : Times of Israel). Netanyahou a démenti et a déclaré qu’Israël est un état souverain qui prend ses décisions en fonction de ses intérêts.

🔹Je vois également passer une vidéo qui fait chaud au cœur. On voit un professeur qui est en train de faire cour avec un bébé sur le ventre, installé dans un porte-bébé.
C’est beau à voir, mais c’est surtout très représentatif de la manière dont la société israélienne intègre les enfants à tous les niveaux. Avoir des enfants est considéré comme quelque chose de tout à fait naturel et normal, ce qui veut dire qu’on trouve aussi normal que la vie s’adapte lorsque nécessaire.
Dans cette vidéo, le bébé a un peu de fièvre et ne pouvait pas aller à la crèche. La maman est professeur dans un établissement spécialisé dans les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage : elle ne veut pas prendre un jour de congé, ses élèves ont besoin d’elle. Qu’à cela ne tienne, le bébé vient, et la classe continue.
Je me souviens d’une autre vidéo de ce type pendant le Covid. Une réunion de députés où certains étaient venus avec leurs enfants. Pas pour la com, mais parce qu’eux aussi étaient impactés par les confinements et les fermetures d’école. Parfois il n’y a pas de solution de garderie, et la vie doit quand même continuer. Alors on emmène les enfants.
Et comme tout le monde aime les enfants, ça fonctionne. (Il faut voir les Israéliens de l’ancienne génération, un peu bourrus, immédiatement se transformer en papis gâteaux dès qu’il y a un bébé dans les parages pour comprendre le cœur de ce pays).

🔹Je vois aussi une infographie saisissante. Quelqu’un a fait une carte montrant les lieux dont sont originaires tous les soldats tombés au champ d’honneur depuis le 7 octobre. Il y a des points verts sur la majeure partie du pays : cette carte pourrait se superposer à celle de la densité démographique israélienne. Dire que l’effort de guerre est général n’est pas un vain mot.

🔹Au Liban et dans le nord d’Israël, des pluies diluviennes ont créé des conditions très étonnantes. On voit des hauteurs d’eau impressionnantes et des voitures qui ont du mal à avancer. Une vidéo montre un Libanais qui avance lentement et qui demande si la mer se trouve là (sur la chaussée) ou là (sur sa gauche).

🔹Selon les informations que je vois, les analystes considèrent que les frappes ce samedi ont été moins nombreuses. Comme quoi, le fossé entre ce qu’on a perçu, ce qu’on a pensé et ce qui semble se vérifier, est assez important.

🔹Netanyahu et Biden ont eu un entretien téléphonique pendant 45 minutes. Biden a déclaré ne pas avoir demandé de cessez le feu à Israël. Dont acte.

Sur ce, il est temps d’éteindre les réseaux. Une nouvelle semaine commence. Shavoua tov.

Fin du 78 ème jour, 23 décembre 2023, 11 tevet 5784.