Journal d’un civil (77) La lettre

Vendredi 22 décembre.

Yaffa Adar, survivante de la shoah, habitait le kibboutz Nir Oz. Elle a été enlevée le 7 octobre, et son image est très vite devenue emblématique. Son visage, alors qu’elle était emportée par la petite voiture de golf dérobée par les terroristes, était totalement impassible.

Pendant un moment, les gens ont dit que c’est parce qu’elle était âgée et qu’elle ne se rendait pas tout à fait compte de ce qu’il se passait.

Elle a été libérée le 24 novembre, après 49 jours, avec le premier groupe d’otages, et très vite elle a parlé. Sa force de caractère a impressionné tout un pays. Elle a un certain âge certes, mais elle savait tout à fait ce qu’il se passait.

« Ils m’ont craché dessus et m’ont injurié, ce n’était pas agréable. Mais quand j’étais assise là, je me disais : « Je ne les laisserai pas me briser, je me comporterai de manière à ce que mes enfants soient fiers de moi ». Je n’avais pas peur et je ne sais pas pourquoi. Je n’allais pas leur donner le plaisir de me voir effrayée ».

Elle a également raconté que pendant sa détention, tous les matins, elle chantait une chanson qu’elle aimait tout particulièrement, pour se donner du courage. Une chanson d’Andrea Bocelli, le ténor italien.

Ce témoignage lui est parvenu. Il a été lu par son équipe, un soir qu’ils allumaient les bougies de Hannoukah. Alors Bocelli lui a écrit une lettre, que la petite fille de Yaffa a traduit pour elle.

Et la lettre dit :

« Chère Madame Yaffa Adar, J’aimerais pouvoir vous serrer dans mes bras !

Je voudrais vous remercier pour l’émotion que votre histoire a suscitée chez toutes les personnes qui ont eu le privilège de l’écouter et surtout chez moi, car, chose incroyable, j’en fais partie !

Je n’aurais vraiment jamais pensé que mon humble voix, ce grand cadeau que j’ai reçu du ciel sans le mériter, pourrait un jour s’avérer si importante !

Il n’y a pas de prix, pas d’applaudissements, pas d’honneur ou de reconnaissance qui valent autant que vos paroles, que je n’oublierai jamais, je vous l’assure.

Grâce à vous, je chanterai désormais avec un enthousiasme renouvelé, une foi renouvelée, une énergie nouvelle.

J’espère pouvoir vous rencontrer un jour et chanter, rien que pour vous, ce que vous voudrez, afin d’effacer, autant que possible, le souvenir douloureux de jours terribles que je ne peux même pas imaginer.

J’admire profondément votre courage, qui est un exemple pour nous tous. De l’autre côté de l’océan, je vous adresse mes salutations les plus chaleureuses, pleines de gratitude, d’admiration et d’affection. »

Aujourd’hui, alors que le soleil décline dans le ciel et que shabbat approche, puissions-nous tous prendre un peu de la force de Yaffa et de la bonté d’Andrea pour nous accompagner dans les heures qui viennent. Shabbat shalom.

Fin du 77ème jour, 22 décembre 2023, 10 tevet 5784.