Portrait du droitard en pleine lumière

Après avoir énervé la moitié de notre lectorat en publiant un portrait du gauchiste, nous allons, par soucis d’équilibre, énerver l’autre moitié en publiant cette semaine un portrait de son comparse sémantique : le droitard.

Le droitard est un homme en retard. En retard sur son temps et en retard sur l’Histoire. Il considère qu’il n’est pas né à la bonne époque. Si on lui donnait le choix, il aurait préféré que les années soixante ne finissent pas, ou que le Second Empire continuât, ou qu’Henri IV ne fût jamais assassiné, et qu’il eût continué à servir la poule au pot chaque dimanche. Mais là est le paradoxe du droitard : fût-il né à n’importe laquelle de ces époques, il l’aurait détestée tout autant.

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Aventures israéliennes (1) : l’eau

Un dimanche d’août, à 14 heures, j’ai rendez-vous à la compagnie des eaux. Cela fait huit mois que nous avons emménagé dans notre nouvel appartement et nous n’avons toujours pas réussi à mettre le contrat à notre nom.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé : par téléphone (je n’ai jamais réussi à avoir quelqu’un), par l’appli (méandres infinis) ou par le site.

Avant les vacances, une amie a fini par intervenir et a réussi à avoir quelqu’un au téléphone qui lui a expliqué ce qu’on devait faire. J’ai fait les démarches avec le lien envoyé, j’ai ajouté des copies des différents documents nécessaires, je pensais que tout était en ordre.

Las ! Lorsque la nouvelle facture est arrivée, elle était toujours au nom de la propriétaire.

Cette fois j’ai décidé d’aller sur place. J’ai pris rendez-vous sur l’application, j’ai bien expliqué que j’avais mon passe vaccinal, et j’ai pu avoir un rendez-vous immédiatement, mais dans un immédiat quinze jours plus tard, vu que c’est le délai minimum.

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Portrait du gauchiste en pleine lumière

Le gauchiste, comme son comparse antinomique le droitard, est une construction intellectuelle. Il n’a jamais existé, dans l’histoire de France, à l’état chimiquement pur. Ses avatars, en revanche, sont légions.

Arrêtons-nous un instant pour essayer de dresser son portrait.

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Impérialisme et universalisme

Universalisme et impérialisme sont les deux versants d’une même montagne intellectuelle.

La différence ? La personne qui parle. Celui qui veut promouvoir l’idée sous un jour positif dira universalisme. Celui qui veut la critiquer sous un angle polémique dira impérialisme. Dans les deux cas, ils parlent en réalité de la même chose.

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Le sens du sens (va-et-vient linguistique 2)

D’où vient le sens ? Comment se fait-il qu’une série de borborygmes veuille soudain dire quelque chose ? Pourquoi un signifié plutôt que rien ?

C’est en grattant l’étymologie qu’on trouve parfois des explications surprenantes.

L’étymologie permet de plonger dans l’inconscient des langues. Elle permet de remonter vers leur origine, à un moment où le signe n’est pas encore divisé. Les langues anciennes, que l’on pourrait qualifier de traditionnelles, celles qui ne connaissaient pas l’écrit , ont cette capacité que les langues plus récentes semblent avoir perdu : les mots débordent de sens. Ils sont des portes vers des leçons sur la nature du monde qu’il convient d’ouvrir avec précaution.

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Fenêtre d’Overton et liberté d’expression

“On ne peut plus rien dire” : voilà un constat que beaucoup de gens partagent sans arriver à le formuler plus précisément. On regarde ce qui nous faisait rire dans les années 80 ou dans les années 90 et on se dit, parfois amèrement, qu’effectivement, aujourd’hui ça serait impensable. D’où le succès des archives de l’INRA qui mettent en ligne tout un patrimoine tourné à un moment où la liberté d’expression semblait plus grande.

Alors que s’est il passé ?

Pour le dire tout de go : la fenêtre d’Overton s’est refermée.

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Tocqueville était-il un sale type ?

Tocqueville était-il un sale type?

Michel Onfray, un de nos auteurs contemporains les plus prolixes, a consacré tout un ouvrage à cette question (Tocqueville et les Apaches, 2017). Sa thèse ? C’était un sale bonhomme. Il était proesclavage, progénocide, proraciste. Un vrai de vrai. Pourquoi est-il si bien vu ? D’après Onfray, c’est parce que dans les années cinquante, Aron le met en avant comme héraut anti-marxiste. D’un côté l’URSS, Marx et le communisme. De l’autre les USA, Tocqueville et le capitalisme. La dictature contre la liberté : voilà un clivage simple qui devrait parler aux gens.

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Les gardes des portes

Il y en anglais américain une expression intéressante pour parler de notre monde médiatique actuel : la chute des gardes des portes (guardians of the gates).

L’image est la suivante : l’espace médiatique, le lieu où se produit le débat démocratique, est comparé à une ville entourée d’une muraille.

Il y a quelques dizaines d’années, les portes étaient fermées : tout le monde ne pouvait pas entrer dans le forum. Tout le monde pouvait bénéficier de ce qu’il s’y passait, via les radios, les télés, les magazines, les journaux, etc. Mais tout le monde ne pouvait pas y participer directement : tout le monde n’était pas invité sur un plateau télé pour donner son avis. Tout le monde n’était pas publié. Tout le monde n’était pas journaliste.

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L’impensé du langage

Quand j’étais en terminale, le cours de philosophie était le cours central. Nous en avions pour huit heures par semaine, plus d’heures que pour les langues, l’histoire ou la littérature. Et la plupart du temps je trouvais que ça n’était pas beaucoup.

Je regrettais que le programme soit uniquement axé sur la philosophie occidentale, moi qui rêvais déjà d’Asie. Rétrospectivement, je me dis qu’il fallait bien commencer quelque part.

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Du peuple et de ses dirigeants

J’avais demandé un jour à l’un de mes maîtres, un rabbin hassidique dont la sagesse n’a d’égal que l’humour, pourquoi les dirigeants étaient de plus en plus médiocre.

Il suffit d’observer les présidents de la cinquième république pour voir la forme que cela prend en France. Je doute fort que l’on regrette dans cinquante ans certains de nos derniers présidents de la même manière que l’on parle de De Gaulle. Un de mes amis, très en haut dans l’échelle de la fonction publique, m’avait un jour confié : il y a des ministres d’aujourd’hui, qui, il y a quarante ans, n’auraient même pas eu le niveau pour être sous-assistants de préfets.

Le rabbin avait fermé les yeux pendant un moment, comme en son habitude lorsqu’il se concentre, et puis il avait hoché la tête en souriant, tout aussi perplexe que moi. Il répondit finalement que c’était une question classique dans le judaïsme. D’un côté on parle de la chute des dirigeants, de l’autre de la montée des générations.

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