Journal d’un civil (144) Les municipales

Mardi 27 février.

Aujourd’hui ont lieu les élections municipales à travers le pays. Elles ont été repoussées deux fois à cause de la guerre, mais cette fois, c’est la bonne.

Le jour est chômé, les écoles sont fermées. C’est l’occasion d’emmener les enfants voir la démocratie en action.

Ce matin j’ai donc expliqué à mon fils : on va aller dans une école, qui est fermée pour la journée. On va nous donner deux enveloppes, et on va mettre deux papiers de couleurs différentes dedans. Ensuite, on va mettre ces enveloppes dans une boîte. Et ça va décider du sort de la ville pour les cinq prochaines années.

Mon fils m’a regardé un moment, et puis il a secoué la tête, comme lorsqu’il pense que je raconte vraiment n’importe quoi. Il n’a pas tout à fait tort. On a certes des élections en temps de guerre. Mais la campagne a commencé grosso modo la semaine dernière et personne ne sait vraiment ce qu’il se passe. Heureusement que les municipales sont des élections relativement simples : stop ou encore est la question principale.

A Be’er Sheva le choix est encore plus simple : encore ou encore ? Rubik, le maire sortant, est le seul à se présenter. Personne n’a cherché à le concurrencer : il n’y a donc qu’un seul bulletin pour le poste.

La vraie question concerne le conseil municipal (le deuxième bulletin) : quel parti veut-on ?

Le fait que Rubik soit le seul à se présenter est logique : le maire actuel est extrêmement populaire. Au point que, dans mon entourage, tout le spectre politique le soutien, que les gens soient à gauche, au centre ou à droite. La raison de sa popularité ? Les gens pensent qu’il s’occupe de la ville. Il ne cherche pas à faire le zouave à l’échelon national en utilisant la municipalité comme un marchepied vers de plus grandes ambitions. Pour l’instant il gère la ville, qui est la quatrième du pays.

Il a aussi la réputation d’être proche des gens (il donne son numéro facilement pour être joignable directement) et pour avoir mis en place des services municipaux efficaces. Un problème dans votre rue ? Vous appelez et on s’en occupe.

Résultat : Be’er Sheva donne l’impression d’une ville plutôt bien gérée. C’est propre, c’est en plein développement, le niveau de sécurité s’est accru et il y a un dynamisme indéniable. On est loin de la ville d’il y a une vingtaine d’années, qui était une ville qui traversait beaucoup de difficultés. Je note deux vrais problèmes : l’éducation et les transports en commun, qui sont un gag permanent.

Vers neuf heures et demie, direction l’école où nous devons voter. Nous avons changé d’adresse, mais apparemment nous sommes toujours enregistrés à l’adresse précédente. En chemin, petit arrêt chez Carrefour pour acheter des palmiers et des pains au chocolat frais.

Devant l’école, on trouve des stands de différents partis. Je n’en reconnais vraiment que deux. Derrière, on voit des panneaux écrits en plusieurs langues. Il y a de l’espagnol, du russe, de l’amharique. Pas d’anglais, et pas de français non plus.

A l’intérieur, il y a cinq ou six bureaux de vote différents. Il faut s’adresser au bon numéro, qui est indiqué sur la carte d’électeur. En l’espèce, comme nous n’avons pas reçu la carte en question à cause du changement d’adresse, il faut consulter le SMS envoyé par le ministère de l’intérieur en début de semaine.

La file d’attente est étonnamment courte. Cinq ou six personnes devant nous tout au plus. Une dame est assise sur un banc. Elle dit qu’elle est la dernière dans la queue. Une autre dame arrive avec quelqu’un qui l’aide à marcher. Aussitôt tout le monde la laisse passer. Au bout d’une petite dizaine de minutes, c’est à mon tour. J’emmène mon fils avec moi.

A l’entrée, je donne ma carte d’identité. Ils trouvent mon nom et me remettent deux enveloppes, une jaune et une blanche. On va dans le fond de la pièce, où se trouve une table et une sorte d’écran en carton qui permet de s’isoler. Derrière, un petit présentoir en carton avec une grosse dizaine de bulletins blancs, et un unique bulletin jaune, avec le nom du maire actuel.

Je prends dans les piles qui m’intéressent et je donne deux bulletins à mon fils, qui s’empresse de les mettre dans les enveloppes correspondantes. Ceci fait, on passe à nouveau devant le bureau où se trouvent les assesseurs, et mon fils dépose les deux enveloppes dans l’urne. On me rend ma carte d’identité, et merci au-revoir.

En sortant on croise un couple d’Américains qui nous salue. Ils se présentent, et il se trouve qu’on se connaît sans vraiment se connaître. On fréquente les mêmes lieux et on a probablement des amis en communs. Un autre couple arrive, on se présente également. Les élections sont un grand moment de sociabilité.

Le devoir électoral rempli, c’est l’heure d’emmener les enfants jouer. Le ciel est menaçant, et on n’a pas vraiment envie de se retrouver sous la pluie : direction le centre commercial. Il y a des aires de jeu incroyables, avec des matelas et tout un tas d’obstacles sur lesquels les enfants peuvent grimper et faire les fous en toute sécurité. Idéal pour un matin sans école.

Le centre commercial est plein à craquer. A l’entrée, il y a une queue pas possible pour aller au restaurant. Les allées débordent. Il y a tous les âges, tous les styles. Autre lieu de sociabilité un jour d’élection. Si on était un peu plus au nord, on serait à la plage, mais dans le quartier, c’est le centre commercial qui fait office d’aimant.

Le jour de l’élection est un jour chômé : toute la société se retrouve, et, chose rare, cela se passe dans un contexte qui n’est pas une fête. Pour les familles, c’est l’occasion de sortir faire des activités qui sont d’habitude en sourdine pendant le shabbat et les fêtes. Une de nos amies a par exemple emmené ses enfants au zoo. ; manque de bol, il a plu tout du long.

On rentre d’ailleurs juste avant que la pluie ne commence. Dix minutes après, ça commence à dracher dru. On passera le reste de la journée à l’intérieur.

– Fin du 144ème jour, 27 février 2024, 18 adar I 5784.

Les chiffres (source ToI)
– 75 villes, 114 conseils régionaux, 44 conseils locaux (chiffres à vérifier)
– Election prévue initialement le 31 octobre, reportée deux fois. Les municipalités et/ou conseils régionaux près de la frontière avec Gaza ou avec le Liban voteront le 19 novembre. (soit 180 000 personnes).
– Nombre d’électeurs : 7 190 920
– 24 910 candidats sur 4 500 listes, dont 801 candidats pour maires, dont 83 sont des femmes.
– 50 000 personnes environs impliquées dans l’organisation
– Coût : 1 milliards de shekels (273 millions de dollars)
– 400 000 électeurs vont voter en dehors de leur lieu de résidence à cause de la guerre.
– Les schémas de vote diffèrent selon la population considérée. Dans la population juive, le vote aux municipales est généralement plus bas qu’aux élections nationales (59%/71%), tandis que dans la population arabe, le taux de participation aux municipales est généralement supérieur (80%/50%)