De quoi parlait Confucius exactement ? (2/2)

(Suite de la première partie).

Reprenons notre problème à la base. Nous avons donc un chapitre des Analectes qui présente une difficulté certaine. D’un côté, le texte dit clairement que Confucius parlait rarement du rén (仁), de l’autre, le texte dont nous disposons semble indiquer le contraire : cent neuf occurrences sur un total de cinq cents chapitres environ.

Comment comprendre cela ?

Dans la première partie, nous avons présenté différentes explications traditionnellement amenées pour expliquer cet écart. D’un côté des explications textuelles (le caractère x, que l’on lit d’habitude de cette façon, doit être lu d’une autre manière), de l’autre, des commentaires sur le sens, qui essayent de le moduler un peu afin de coller plus à la réalité.

Nous avons expliqué que ces différentes approches nous paraissaient insatisfaisantes, parce qu’elles font souvent l’économie de l’effort de l’exégèse. Comme si il s’agissait de résoudre le problème afin de l’effacer, plutôt que de le regarder en face et de lui donner un sens.

Ce que nous allons tenter de faire, à une très modeste échelle, dans cette deuxième partie.

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De quoi parlait Confucius exactement ? (1/2)

Les Entretiens de Confucius est un texte aussi court que dense. Pour cette raison, il arrive que certains passages soient un peu obscurs, voire à la limite de l’intelligibilité. Ce qui donne aux traducteurs des maux de tête sans fin, et aux commentateurs de quoi jouer.

Certains passages, après avoir été discutés pendant près de deux mille cinq cents ans, ne font toujours pas l’unanimité. Le plus connu ? Probablement le premier paragraphe du livre neuf.

Une phrase de huit caractères seulement dans la version originale, qui semble, a priori toute simple et qui soulève en réalité des montagnes de problèmes. Abordons la montagne à son pied pour essayer de la gravir.

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Pour une approche hébraïque de Confucius

Bryan Van Norden, l’un des meilleurs spécialistes de la pensée chinoise antique de notre époque, consacre une annexe de son livre sur le sujet à ce qu’il appelle « notre vision du monde et la leur » (1). Son but ? Permettre au lecteur occidental de prendre conscience d’un certain nombre de présupposés généralement admis à notre époque qui viennent obscurcir la lecture des philosophes chinois classiques tant ils sont éloignés de la vision du monde de ces derniers.

En préambule, il donne un exemple concret, tiré du premier paragraphe des Analectes, qui dit : « Etudier et mettre en pratique au moment prescris ce que l’on a appris, n’est-ce pas une grande joie ? » (2)

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2001, L’Odyssée de l’espace (Actes IV et V)

Suite de l’analyse des actes I et II et de l’acte III. Il contient des éléments clé de l’histoire, notamment le dénouement.

Acte IV

Carton : « Jupiter et au-delà de l’infini ».

Plan sur Jupiter, une lune, le vaisseau. Et voilà qu’apparaît un monolithe noir qui tourne sur lui-même et qui flotte dans l’espace.

Dave est à l’intérieur de l’un des modules d’exploration. Il se dirige vers ce monolithe, qui semble être la clé de sa mission. Il s’aligne avec celui-ci, et voilà que les chœurs bourdonnants de la musique de György Ligeti montent en puissance : un étrange voyage commence.

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2001, L’Odyssée de l’espace (Acte III)

Cet article fait suite à celui-ci, qui traitait des deux premières parties du film. Il contient des éléments clé de l’histoire.

L’Acte III est l’acte central du film. C’est le plus long, et c’est en général celui-là dont on se souvient, des années après. A la fois par son thème (l’ordinateur qui devient trop humain) et par sa dramaturgie.

Cela commence par un carton qui indique : « Mission Jupiter : 18 mois plus tard ».

Un long vaisseau occupe tout l’écran et avance lentement. A l’intérieur, quelqu’un court. Plan horizontal à nouveau, l’homme fait de l’exercice dans une structure circulaire, condition nécessaire pour obtenir de la gravité dans l’espace, et nouvelle occasion pour Kubrick de nous montrer des images complètement inédites.

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2001, L’Odyssée de l’espace (Actes I et II)

Avertissement : cet article contient des éléments clé de l’histoire.



C’est une œuvre unique. Un film hybride qui mêle opéra et tableaux abstraits, et dont le thème n’est rien de moins que l’évolution de la conscience humaine de l’âge des cavernes à l’âge de la conquête spatiale. Un film sans prédécesseur et sans successeur, et, peut-être, pour cette raison, un film un peu obscur, surtout si on le voit la première fois en pensant qu’il s’agit simplement d’un film de science-fiction.

C’est surtout un film dont les thèmes, au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’hypothétique singularité, deviennent de plus en plus d’actualité. En 1968 ils semblaient appartenir à un futur possible ; aujourd’hui ils sont notre actualité.

Alors lançons la bobine, éteignons la lumière, installons-nous au fond de la salle, là où on peut entendre le cliquetis de la croix de Malte (la meilleure place) et replongeons-nous dans le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick. (1)

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Dieu existe-t-il ?

Est-ce que Dieu existe ?

C’est une question fondamentale, mais une question qu’on pose de moins en moins. Parce qu’elle est désormais du domaine du privé, de l’intime. Parce qu’elle semble dépassée. Parce qu’elle semble insoluble. Pour ces raisons et pour beaucoup d’autres, elle est désormais considérée, dans notre occident contemporaine comme un peu vulgaire ; au pire : déplacée.

Pourtant c’est une question fondamentale, qui oriente toutes les autres. Si Dieu existe, tout est différent. Et si Dieu n’existe pas, alors tout est vraiment différent.

Question banale, question fondamentale, mais surtout : question mal posée. C’est en faisant un détour par la méthodologie de la rectification des noms que nous allons voir qu’en réalité on ne sait pas vraiment ce que l’on demande lorsqu’on dit cela.

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Nationalité, citoyenneté

Il existe en français une distinction entre nationalité et citoyenneté, distinction que l’on a souvent tendance à oublier, réduisant le second concept au premier, au risque de perdre des nuances fondamentales.

La nationalité, c’est le fait d’appartenir à une nation, c’est à dire à un groupe d’hommes qui partagent (entre autres) une langue, une culture, une religion et un territoire.

La citoyenneté y est liée mais ne s’y confond pas. Elle est la possibilité de participer à la vie publique de cette nation, à la vie de sa cité.

La norme, dans le monde où nous vivons, est que chaque membre d’une nation est également citoyen de celle-ci, et, en ce sens, peut participer à la vie publique de sa nation.

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Religion, religions (2/2)

(Suite de la partie 1).

A partir de la Renaissance, l’Europe connaît une série de phénomènes qui vont créer un terrain propice à l’évolution du sens du mot « religion ».

La première est la découverte de l’Amérique : pour les Européens, le monde s’élargit soudain, et cette terre qui se situe à l’ouest est peuplée. La question de savoir quel est le statut de ces peuples va agiter la chrétienté pendant des années : si ce sont des hommes, et si ils ont donc une âme, alors ils peuvent être sauvés. Les missionnaires découvrent des cultes particuliers : voilà qu’il y a une nouvelle gamme de pratiques qui apparaît et qui semble ne pas rentrer dans la dichotomie christianisme/hérésie qui prévalait jusqu’alors.

Le deuxième phénomène est la redécouverte de l’antiquité et de ses auteurs. Une série de penseurs va en particulier essayer d’accorder les écrits de Platon avec le dogme chrétien. Et c’est chez eux que l’on détecte de façon la plus évidente que le mot religion est en train d’être travaillé.

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Religion, religions (1/2)

Pour l’homme de la rue, le mot religion est un mot aussi évident que mystérieux. Évident, parce que tout le monde s’accorderait assez vite sur une définition, qu’elle soit intensive (quelque chose qui relève du « rapport individuel au sacré ») ou extensive (« le judaïsme, le christianisme, l’islam, etc. »). Mais mystérieuse, parce que, pour autant que le mot soit présent dans le débat de notre cité à une fréquence insoupçonnée personne, dès qu’il s’agit d’entrer vraiment dans la profondeur du concept, ne sait réellement de quoi il s’agit.

Et voilà que l’on bâtit des discours, des réflexions, et même des politiques publiques, sans que l’on sache vraiment de quoi relève l’objet dont il est question.

Car le mot religion est un mot flou, un mot papillon, un de ces mots dont le sens semble absolument nous échapper dès qu’on essaye de l’attraper, aussi grand notre filet fût-il.

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