Samedi 17 février.
L’hiver s’étire. On pensait en avoir fini avec la pluie, mais elle s’est à nouveau invitée dans notre coin de désert. Brusque, drue, elle a duré tout l’après-midi.
Heureusement que nous étions sortis le matin. Ma femme est partie en premier avec mon fils, pour l’emmener se dégourdir les jambes au parc. Et vers neuf heures, je suis sorti avec ma fille, qui a insisté pour ne pas être dans la poussette et marcher autant qu’elle pouvait.
Ce matin était un peu particulier : nous étions invités à un kiddouch, une large collation après l’office du matin, pour célébrer la guérison d’une de nos amies, d’une maladie qui a duré de nombreux mois. L’endroit était plein. Beaucoup de gens, beaucoup d’amour, beaucoup de joie.
Le reste de la journée a été calme. Le froid, la pluie, la fatigue. Tout concourrait à ce que nous restions à la maison.
Nous avons regardé un dessin animé après shabbat, un Disney que je n’avais jamais vu : Les aventures de Winnie l’ourson. Les enfants étaient fascinés. L’histoire est un peu décousue, mais il y a un charme certain dans ce film fait dans les années 70, mais qui semble hors du temps.
Pour une fois, je n’ai pas vraiment envie de rallumer le téléphone. Je regarde les nouvelles en détail le lendemain matin. Et voici ce qu’il s’est passé entre vendredi après-midi et dimanche matin :
Tsahal est censé remettre un rapport au gouvernement cette semaine, détaillant l’opération à Rafah. Yoav Gallant et Benny Gantz estiment que si aucun accord n’est conclu pour libérer les otages d’ici le 10 mars (début du mois de ramadan dans le calendrier islamique), l’armée doit entrer dans la zone.
Réunion à Munich : des officiels américains, arabes et européens se sont rencontrés pour discuter un plan pour Gaza après la guerre. Les sujets abordés, ont été, selon ToI : « Gaza après la guerre, la normalisation israélo-saoudienne, l’intégration plus large d’Israël dans la région et les garanties de sécurité, la voie vers un État palestinien et la manière de réformer l’Autorité palestinienne ». Etrange choix de lieu pour une réunion de ce type.
Billard à quatre bandes : lors de cette même réunion à Munich, le ministre des Affaires étrangères britannique, David Cameron, a demandé au ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, d’utiliser son influence sur les Iraniens, pour qu’ils calment les Houtis, qui continuent à perturber le commerce international depuis le Yémen.
A l’issu de cette réunion munichoise, Blinken déclare : « Pratiquement tous les pays arabes souhaitent aujourd’hui sincèrement intégrer Israël dans la région afin de normaliser les relations […] de fournir des engagements et des garanties en matière de sécurité afin qu’Israël se sente plus en sécurité ». Il ajoute également : « Il y a aussi, je pense, l’impératif, plus urgent que jamais, de procéder à la création d’un État palestinien qui garantisse également la sécurité d’Israël. »
Le président Herzog a rencontré Blinken à Munich, et lui a dit : « J’ai entendu vos remarques aujourd’hui, et je pense que je les trouve très intéressantes. Je pense qu’il y a des opportunités, il faut les étudier en profondeur. Mais avant tout, la sécurité d’Israël doit être préservée, et pour cela, nous devons achever le travail de sape et d’éradication de l’infrastructure de base du Hamas. »
Pour l’occasion, il avait également amené un livre de Mahmoud al-Zahar, l’un des co-fondateurs du hamas, intitulé « la fin des Juifs ». Herzog a résumé l’ouvrage de cette manière : « Ce livre affirme tout d’abord que nous ne devrions pas reconnaître le fait qu’il existe des Juifs et un peuple juif, mais il salue surtout l’Holocauste. Il salue ce que les nazis ont fait, et appelle les nations à suivre ce que les nazis ont fait. »
Bruria Efune ajoute un élément intéressant dans son compte-rendu quotidien : « lors de la même conférence, le président israélien Herzog a été interrogé sur son soutien antérieur à une solution à deux États. Il a répondu que la réalité était apparue au grand jour et que, même dans les mois précédant le 7 octobre, il devenait évident qu’en raison du terrorisme, cette solution n’était plus plausible : « Vous ne pouvez pas accepter un processus de paix avec des voisins qui se livrent au terrorisme. L’idée même est contraire à la nature humaine. Je ne peux pas l’accepter, personne ne peut l’accepter. Le simple fait d’accepter la terreur comme outil pour obtenir des résultats de cette nature va à l’encontre des règles fondamentales de l’être humain ». »
Le premier ministre du Qatar, Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani, déclare pour sa part : « Je pense qu’un accord pourrait être conclu très prochainement. Pourtant, la tendance observée ces derniers jours n’est pas très prometteuse. » Il précise également : « C’est le dilemme dans lequel nous nous trouvons et qui a malheureusement été utilisé à mauvais escient par de nombreux pays, à savoir que pour obtenir un cessez-le-feu, il faut que l’accord sur les otages soit conclu. Cela ne devrait pas être une condition. »
Le ministre des Affaires étrangères égyptien a fait la déclaration suivante : « Le Hamas ne fait pas partie du consensus palestinien. Nous devons demander des comptes à ceux qui l’ont financé, l’ont renforcé et ont contribué à fracturer [les] palestinien[s].
A ce sujet, AAE, un expert régional, note : « Le ministre égyptien des Affaires étrangères donne un coup de pied au Hamas dans un moment difficile, devant les caméras, lors d’un événement international. Ce n’est pas quelque chose que l’on voit tous les jours. Ce sont les Égyptiens qui doivent faire face au Hamas au point de passage de Rafah, à leur porte… Et en ce qui concerne la responsabilité du financement du Hamas, le ministre égyptien fait allusion au Qatar… »
Le samedi soir est également le moment de la conférence hebdomadaire du premier ministre israélien. Il a déclaré : « la victoire est à portée de la main ». Il décrit sa politique comme étant : « une forte pression militaire et des négociations difficiles » [strong military pressure and tough négociations en anglais. Je n’ai pas trouvé la citation exacte en hébreu]. Au sujet des négociations, il a précisé : « Lorsque le Hamas renoncera à ces demandes délirantes, nous pourrons progresser. » Concernant Rafah, il a déclaré : « [on] se battra jusqu’à la « victoire totale » – et oui, cela inclut une opération à Rafah. » « Ceux qui veulent nous empêcher d’opérer à Rafah nous disent essentiellement : perdez la guerre. Je ne laisserai pas cela se produire. Nous ne céderons à aucune pression. » A propos d’un putatif état palestinien reconnu par les Américains, il a déclaré qu’il continue de « de s’opposer fermement à la reconnaissance unilatérale du statut d’État palestinien ». Il s’insurge contre l’idée que des pays accordent une telle reconnaissance, affirmant qu’il n’y aurait pas de plus grand prix pour la terreur que de le faire après l’assaut contre Israël le 7 octobre. Il ajoute que cela « empêcherait tout accord de paix futur ». » (Source : ToI)
Confirmation de ce que tout le monde pensait : l’armée a trouvé à l’hôpital Nasser, à Khan Younis, des containers avec le nom des otages. Les médicaments envoyés par les proches, et censés avoir été transmis par des nations européennes médiatrices, ne sont jamais arrivés à destination. L’opération spéciale a également conduit à arrêter une centaine de personnes suspectés d’activité terroriste (source Tsahal).
Une ONG égyptienne, qui est contre le régime Sisi, déclare que les Egyptiens sont en train d’aménager une zone de 19km² près de la frontière pour accueillir les Gazaouis qui pourraient avoir à se déplacer lors d’une potentielle opération à Rafah. Le ministre des Affaires étrangères égyptien a déclaré : « Nous n’avons pas l’intention de fournir des zones ou des installations sûres, mais si tel était le cas, nous ferions preuve de l’humanité nécessaire. »
L’ONU pourrait voter mardi pour demander un cessez-le-feu à Gaza. Les USA ont fait savoir qu’ils mettraient leur veto.
Selon le Wall Street Journal, les USA réfléchissent à un moyen de subventionner l’Autorité Palestinienne, en dépit des lois américaines qui restreignent ce financement. En effet, le Taylor Force Act interdit un tel financement : l’Autorité Palestinienne verse une allocation mensuelle aux palestiniens condamnés pour terrorisme, ainsi qu’à leurs familles. Les Américains estiment que l’AP pourrait avoir un problème de cash d’ici une dizaine de jours.
Sur ce, la semaine commence.
– Fin du 134ème jour, samedi 17 février 2024, 8 adar I 5784.