Journal d’un civil (47) L’accord

22 novembre, 9 kislev.

La nouvelle du jour, c’est l’accord qui vient d’être entériné par le cabinet, cette nuit après plus de six heures de discussion.

La rumeur a commencé hier matin, par une déclaration de Ismail Haniyeh, l’un des leaders du hamas, qui disait qu’un accord était sur le point d’être signé.

Puis dans la journée, d’autres sources, ont confirmé. Reuters : « Un accord entre Israël et le Hamas, négocié sous l’égide du Qatar, en est à ses “dernières étapes” et est “plus proche qu’il ne l’a jamais été” ».

En fin d’après-midi, Netanyahou a déclaré : « Nous progressons sur le retour des otages. »

Que contiendrait l’accord ? Toujours selon Reuters : « une pause de quatre jours dans les combats, une cinquantaine d’otages libérés (femmes et enfants), et en échange, du carburant et la libération de prisonniers détenus en Israël (femmes et mineurs impliqués dans des actes terroristes). »

Hier soir, on a également appris que Tsahal autoriserait les Israéliens habitant le plus proche de la bande de Gaza à rentrer chez eux (tous ceux à plus de 4 km, contre 7 auparavant).

Ce matin, on se réveille donc avec un accord : cessez-le-feu temporaire contre libération d’une cinquantaine d’otages.

Les réactions sont globalement toutes les mêmes. D’un côté, soulagement et joie de savoir qu’une partie des otages vont revenir. De l’autre, effroi de savoir que certains resteront otages, que des prisonniers terroristes vont être libérés, que le hamas va disposer de temps pour se réorganiser et que de nouvelles ressources vont lui parvenir d’une manière ou d’une autre.

En ce qui me concerne, j’ai besoin d’organiser la masse de faits et de déclaration pour espérer y voir un peu plus clair.

Ce qui suit est donc pris sur le vif tout au long de la journée, et réorganisé ce soir. Les traductions de citations ont été faites par deepL. Lorsque la source n’est pas indiquée directement, il s’agit d’informations données par le fil en temps réel du Times of Israel.

La teneur de l’accord

Ce que l’on sait : L’accord concerne une centaine d’otages, qui seraient libérés en deux phases. Première phase : une cinquantaine d’otages seront libérés, puis Israël libérera 150 prisonniers palestiniens. Cette première étape durera quatre jours. Deuxième phase, par étapes : à chaque fois que dix nouveaux otages sont libérés, le cessez-le-feu se poursuit de 24 heures de plus, et de nouveaux prisonniers palestiniens sont libérés.

Le document présenté par le cabinet du premier ministre ajoute : « immédiatement après la fin de la pause dans les combats nécessaire pour assurer la libération des otages, les combats reprendront dans la bande de Gaza afin de détruire les capacités militaires et organisationnelles du Hamas et du Jihad islamique palestinien à Gaza et de créer les conditions pour le retour de tous les otages ».

La trêve sera limitée à 10 jours au plus, à partir de la libération du premier otage. L’accord devrait démarrer demain, 23 novembre, à 10 h du matin, et être valable pour au moins quatre jours, soit jusqu’à lundi, 9h59.

Le chef du Mossad, David Barnea, est parti aujourd’hui au Qatar pour finaliser la négociation avec le premier ministre Qatari Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al Thani.

Ce que l’on ne sait pas : par définition, on ne le sait pas, mais l’annexe deux de la décision présentée par le gouvernement est classée secret défense.

Qui sont les otages potentiellement libérés ?
Enfants, mères et personnes âgées. Les personnes doivent être vivantes.

Qui sont les prisonniers potentiellement libérés ?
La liste de trois cents noms a été publiée. Deux cent quatre-vingt-sept sont des jeunes hommes de 18 ans et moins, emprisonné pour « rioting and rock-throwing », en Cisjordanie ou à Jérusalem Est. Les treize autres prisonniers sont des femmes condamnées à une peine de prison pour attaque terroriste avec couteau n’ayant pas entrainée la mort de la victime.

La requête du jour d’après Suite à la décision du gouvernement, les citoyens ont vingt-quatre heures pour la contester devant la cour suprême. L’Almagor Terror Victims Association a déposé une requête, demandant notamment plus d’informations sur les conditions de l’accord.

La position des différents acteurs politiques Le cabinet a voté pour la résolution à l’unanimité moins une voix, celle de Itamar ben Gvir.

Le gouvernement a déclaré : « Le gouvernement israélien s’est engagé à ramener toutes les personnes enlevées chez elles. Ce soir, le gouvernement a approuvé les grandes lignes de la première étape de la réalisation de cet objectif, selon laquelle au moins 50 personnes enlevées – femmes et enfants – seront libérées en l’espace de quatre jours, au cours desquels il y aura une accalmie dans les combats. »

Le premier ministre, Binyamin Netanyaou a déclaré : « Nous avons devant nous une décision difficile à prendre, mais c’est la bonne. Nous ne nous reposerons pas sur nos lauriers tant que tout le monde ne sera pas revenu. La guerre comporte des étapes et le retour des otages en aura aussi. »

Yoav Gallant, le ministre de la défense a dit pour sa part, avant la réunion du cabinet : « Sans la pression et le maintien de la pression [sur le Hamas], il n’y aura aucune chance d’obtenir la libération des prochains groupes d’otages ». Il ajouté qu’une fois le cessez-le-feu terminé, les opérations d’Israël à Gaza reprendront “de pleine force”.

Benny Gantz, membre du gouvernement d’unité et membre du cabinet restreint, déclare que « l’accord sur les otages est la base de la poursuite des efforts opérationnels nécessaires [à Gaza], y compris dans l’arène du sud et éventuellement dans d’autres arènes. » « Je vous le dis honnêtement, cet accord est difficile, douloureux, mais il est aussi juste ».

Bezalel Smotrich, le ministre des finances, du parti sioniste religieux, explique qu’après avoir hésité, il a voté pour étant donné que « le rapatriement des otages ferait avancer les objectifs de la guerre et que le gouvernement, le cabinet et l’ensemble de l’establishment de la défense s’engageaient sans réserve à poursuivre la guerre jusqu’à la destruction du Hamas ».

Le seul qui a voté contre est Itamar Ben Gvir, le chef du parti Otzma Yehudit, le parti le plus à droite de l’échiquier politique israélien. Il qualifie l’accord de « dangereux précédent ». Il ajoute : « nous avons le devoir moral de ramener tout le monde, et nous n’avons ni le droit ni la permission d’être d’accord avec l’idée de les séparer et de n’en libérer que certains ».

Yair Lapid, le chef actuel de l’opposition, soutient également l’accord, et écrit dans un Tweet : « l’État d’Israël a l’obligation suprême de continuer à œuvrer pour que tous les otages rentrent chez eux, jusqu’au dernier. »

Les différents services de sécurité, Tsahal, le Shin Bet et le Mossad ont tous fait part de leur soutien à l’accord proposé. Selon les médias israéliens, cet accord unanime est le point qui a convaincu certains membres du cabinet qui étaient hésitants.

Le président Herzog rappelle qu’ « il s’agit d’un devoir moral et éthique qui exprime correctement la valeur juive et israélienne du rachat des captifs, et j’espère qu’il s’agira d’une première étape importante pour ramener tous les captifs à la maison ». « L’État d’Israël, Tsahal et les forces de sécurité continueront à agir de toutes les manières possibles pour atteindre cet objectif, tout en rétablissant une sécurité totale pour les citoyens israéliens. »

Le hamas déclare pour sa part : « Pendant toute la période de la Hudna [trêve], l’occupation ne procédera pas à des arrestations dans toutes les zones de la bande de Gaza. » « Les dispositions de cet accord ont été formulées en fonction de la vision de la résistance et de ses déterminants qui visent à servir notre peuple et à renforcer sa fermeté face à l’agression. » Ils ont également déclaré « nos doigts resteront sur la gâchette et nos combattants victorieux resteront aux aguets pour défendre notre peuple et repousser l’occupation. » Le hamas dit également avoir obtenu dans l’accord qu’Israël ne fera pas de surveillance aérienne dans le sud de la bande de gaza et cessera l’utilisation des drones dans le nord entre 10h et 16h. Il aurait enfin déclaré détenir 210 des 240 otages enlevés le 7 octobre.

Le Qatar a confirmé avoir servi de médiateur, en partenariat avec l’Egypte.

La croix rouge se dit prête à faciliter la libération des otages et déclare : « Actuellement, nous sommes activement engagés dans des pourparlers avec les parties afin de les aider à mettre en œuvre tout accord humanitaire auquel elles parviendraient. » Son porte-parole dit également : « En tant qu’intermédiaire neutre, il est important de préciser que nous ne participons pas aux négociations et que nous ne prenons pas de décisions sur le fond. Notre rôle est de faciliter la mise en œuvre, une fois que les parties se sont mises d’accord. »

Le président américain soutient l’accord : « J’apprécie l’engagement pris par le Premier ministre Netanyahu et son gouvernement en faveur d’une pause prolongée afin que cet accord puisse être pleinement mis en œuvre et qu’une aide humanitaire supplémentaire soit fournie pour alléger les souffrances des familles palestiniennes innocentes de Gaza. »

Un officiel américain dit, sous couvert d’anonymat : « Nous espérons également que cette trêve de quatre jours entre Israël et le Hamas conduira à une pause complète dans certaines des hostilités dans le nord, à la frontière libanaise. »

Le hezbollah confirme dans la journée. D’après une source citée par Al-Jazirah : « Le Hezbollah n’a pas participé aux négociations de l’accord. Le Hezbollah s’est engagé à respecter le cessez-le-feu. Si Israël viole le cessez-le-feu au Liban ou à Gaza, le Hezbollah réagira. »

Déclaration intéressante de Mosab Hassan Yousef, le fils de l’un des fondateurs du hamas, qui est devenu un adversaire de l’organisation : « La libération attendue des otages témoigne de la crise du Hamas qui cherche désespérément un moyen de descendre de l’arbre. La libération de 50 otages est la première bonne nouvelle que le monde a reçue depuis le crime commis par le Hamas le 7 octobre. La trêve de cinq jours permettra à Israël de recueillir davantage de renseignements et de se préparer à frapper encore plus durement le Hamas. Le Hamas a réussi à obtenir un repas avant son exécution, chaque mouvement qu’il fait est à son désavantage. Que les autres otages puissent retrouver leurs familles sains et saufs. »

Quelques aspects de la libération des otages
Les soldats de Tsahal ont reçu un briefing sur la manière d’accueillir les enfants qui vont être libérés. On leur a notamment expliqué quels mots utiliser. Selon la chaîne kan 12, ils les accueilleront en disant : « אני חייל בצבא ההגנה לישראל ואני מלווה אותך כדי שתגיע הביתה. אני נמצא במקום בטוח. אני פה כדי לדאוג לך, אתה בטוח״ ” [« Je suis un soldat de l’armée de défense d’Israël, et je vais t’accompagner pour te ramener à la maison. Tout va bien. Je suis là pour m’occuper de toi, tu es en sûreté ».]

Ils ont également instruction de ne pas répondre aux enfants qui demanderaient où sont leurs parents : certains ont été assassinés le 7 octobre, et les enfants ne le savent pas forcément.

@julienbahloul explique quel va être le protocole suivi : Protocole de prise en charge des otages décidé par le gouvernement israélien :
1. Remise des otages à la Croix Rouge, puis aux soldats de Tsahal.
2. Premiers examens médicaux, réalisés par Tsahal.
3. Transfert des otages dans des hôpitaux israéliens. Retrouvailles avec les familles. Soins dans des unités isolées dans lesquelles les otages resteront jusqu’à ce qu’ils soient en état de sortir.
4. Les médecins et les services de sécurité décideront ensemble si les otages sont aptes à répondre aux questions des enquêteurs.
5. Témoignages des otages auprès des services de sécurité. Les enfants seront interrogés uniquement par des spécialistes habitués à travailler avec les plus jeunes.
6. La suite de leur prise en charge (médicale, psychologique, économique, sociale et sécuritaire) confiée aux différents ministères.

Kassy Dillon donne quelques points importants à avoir en tête en voyant les images et les événements qui vont arriver dans les jours qui viennent :
1. Certains reviennent, mais leurs pères ou d’autres membres de leur famille restent. Ils devront probablement parler avec précaution pour ne pas les mettre en danger.
2. Beaucoup ont perdu un parent, les deux partenaires ou d’autres membres de la famille. Certains ne le savent peut-être même pas encore.
3. Les otages ne savent peut-être pas ce qui se passe depuis plus de 40 jours. Donnez-leur le temps de voir à quel point le monde entier réclame leur libération.
4. Ils ont subi un traumatisme indescriptible et cela ne s’arrête pas à leur retour dans leur famille. Ils vont avoir un très long processus de guérison.
5. Donnez-leur de l’espace.

Les interrogations
Un point très important qui apparaît depuis hier : le hamas ne sait probablement pas où se trouvent tous les otages. On savait déjà que le jihad islamique en a plusieurs. Il a d’ailleurs annoncé aujourd’hui que l’une d’elle, Katzir Hanna, âgée de 76 ans est décédée en captivité. Elle souffrait d’un cancer et avait besoin d’un traitement.

Lahav Harkov, du Jerusalem Post, explique : « Israël ne voulait pas accepter un accord sans la libération de tous les enfants otages, mais le Hamas n’est pas sûr de pouvoir localiser tous les enfants […] Il a donc été décidé qu’il valait mieux accepter cet accord et ramener la plupart des enfants à la maison plutôt que de risquer de n’en avoir aucun. »

Réaction du public
Pour la comprendre, il faut se rappeler qu’un accord d’échange de prisonniers a eu lieu en 2011 pour libérer Gilad Shalit, un franco-israélien qui a été capturé par le hamas et détenu pendant 1 941 jours, soit plus de cinq ans. 1027 personnes détenues dans les prisons israéliennes ont été libérées. Parmi les personnes relâchées dans le cadre de cet accord : Yahya Sinwar, qui, depuis, est devenu le chef du hamas dans la bande de Gaza.

@avocatweet écrit ce matin : 30 enfants, 8 mères et 12 femmes âgées vont rentrer à la maison. J’essaie de me focaliser là-dessus pour ne pas penser aux lourdes contreparties concédées. Qu’ils reviennent vite et en bonne santé. La suite attendra. #BringThemHomeNow

@sdblepas L’accord qui permettra le retour d’une partie des otages, pour commencer, à été ratifié par le gouvernement cette nuit.
Ma position est claire, il ne peut pas avoir d’accord avec des terroristes qui œuvrent à vous détruire, tant qu’ils ne renoncent pas à leur idéologie génocidaire.
C’est une jolie phrase, ça passe bien.
Oui mais, et les otages.
Depuis samedi, 3 otages ont été déclaré mort par l’ennemie (non confirmé par Israël).
Chaque jour qui passe nos otages vivent un enfer, et ce n’est pas une expression.
Il apparaît clairement que nous ne les retrouverons pas facilement.
De plus, d’après le hamas, les otages ne sont pas tous retenu par eux, certains sont retenus par le jihad islamique et d’autres par des civiles (non ce n’est pas une faute de frappe).
Cet accord comme l’accord Shalit est mauvais, et comme pour l’accord Shalit nous allons le faire.
L’ennemi ne le sait que trop bien, nous protégeons la vie.
Le hamas se fout de perdre des civils pas nous.
Cet accord est mauvais et nous le ferons car cela signifie que, peut-être, 73 otages rentreront chez eux et retrouveront leurs familles.
Cet accord est mauvais et je fêterais chaque retour d’otage comme si c’était un membre de ma famille.

Concernant les prisonniers qui vont être libérés par les autorités israéliennes, Kamel Amin Thaabet écrit :
« Pour chaque prisonnier qu’Israël libère, il devrait préciser le crime commis par chacun ainsi que son nom. Israël ne détient pas arbitrairement des femmes et des enfants. Il s’agit de terroristes – et le monde devrait voir cela pour ce que c’est. »

Ari Waxman résume bien toute la tension qu’il y a dans cet accord. Coincé entre deux principes :
1) Comment se taire face à une injustice qui peut être dangereuse ?
2) Comment peut-on faire des commentaires sans connaître tous les détails ? C’est pourquoi j’ai décidé de faire confiance à certaines des personnes impliquées dans cette décision et de prier pour qu’elle ait des résultats positifs.

Le mot de la fin Aviva Klompas note : « Qui veut parier que le Hamas et ses amis terroristes à Gaza ne peuvent pas passer 4 jours sans tirer une roquette ? »