Journal d’un civil (46) La solution à x états

21 novembre, 8 kislev.

J’ai mentionné il y a quelques jours que la solution à « deux états » n’était qu’une solution parmi d’autres. Une lectrice me demande si j’ai un livre à conseiller sur le sujet. Malheureusement je n’en connais aucun. Peut-être reste-t-il à écrire ?

J’ai donc essayé de dresser une liste, probablement incomplète, des solutions proposées, à divers moments de l’histoire, pour organiser la souveraineté des peuples de la région.

Avant de passer aux différentes solutions, il nous faut, en bons praticiens de la rectification des noms, commencer par définir les termes.

Le territoire que nous allons considérer est la partie occidentale de la Palestine mandataire. Il comprend le territoire Israélien actuel, la Cisjordanie (également appelée Judée Samarie), et la bande de Gaza. La Palestine mandataire comprenait ces territoires ainsi que celui qui correspond à la Jordanie actuelle.

Les souverainetés que nous allons considérer sont d’une part la souveraineté israélienne, déjà constituée, et d’autre part la revendication d’une souveraineté palestinienne, représentée, d’une part par l’autorité palestinienne, d’autre part par le hamas, et, de façon diffuse, par ce qu’on appelle le peuple palestinien.

Les données de la question étant posées, comment peut-on organiser ces souverainetés sur ces territoires ? La formule la plus connue étant celle de « solution à deux états », je reprends cette terminologie pour l’appliquer aux autres possibilités. En voici quelques-unes :

1. La solution à 0 états : aucun des peuples principaux qui vivent sur ce territoire ne reçoit la possibilité d’exercer sa souveraineté. C’était le cas entre 1921 (démantèlement de l’Empire ottoman, qui contrôlait jusque-là ce territoire) et 1948, date de l’indépendance d’Israël. Le territoire était géré par les Britanniques, sous mandat de la Société des Nations, puis de l’ONU.

2. La solution à 1 état, avec souveraineté israélienne : la Cisjordanie et la bande de Gaza deviennent des parties intégrantes du territoire israélien. Les différents habitants reçoivent la nationalité israélienne.

2.b variante : les habitants palestiniens de Cisjordanie continuent à habiter les différentes villes et villages, mais reçoivent la nationalité jordanienne, dont ils bénéficiaient et dont ils ont été déchus en 1988.

3. La solution à 1 état, avec souveraineté palestinienne : c’est le fameux « de la rivière à la mer » du slogan qui résonne dans toutes les manifestations pro-palestiniennes. Autant dire qu’il n’y aucun Israélien qui l’envisage, étant donné que le programme sous-jacent est une éradication des Juifs qui vivent ici.

4. La solution à 1 état fédéral : chaque nation reçoit un territoire qu’elle administre, au sein d’une fédération (variante : une confédération).

5. La solution à 2 états : Israël actuel, la Cisjordanie et la bande de Gaza deviennent un état indépendant, avec probablement des ajustements de frontières.

6. La solution à 2 états sans Gaza : Israël actuel, la Cisjordanie devient un état palestinien. Gaza est absorbé par Israël ou par l’Egypte.

7. La solution à 3 états : Israël actuel, la Cisjordanie devient un état palestinien, Gaza un état séparé.

8. La solution à multiple états : prend en compte que la réalité palestinienne n’a pas de continuité territoriale et qu’elle connaît de nombreuses variations locales. Chaque région palestinienne serait un émirat, et ces différents émirats seraient regroupés dans une entité politique plus large, par exemple de type fédéral. Les Emirats Arabes Unis pourraient à ce titre servir de modèle.

En partant donc des paramètres évoqués au début, on arrive donc à neuf possibilités. Mais ce n’est pas la seule option : on peut également faire varier ces paramètres de base. Par exemple : rien ne dit que l’état palestinien doivent se contenter de Gaza.

9. La solution à Gaza + Sinaï : l’Egypte cède une partie du territoire du Sinaï à Gaza, qui se retrouve avec un territoire plus large et économiquement viable.

Rien ne dit non plus que les paramètres de base doivent être limités à Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Historiquement, la Palestine mandataire était un territoire parmi un ensemble beaucoup plus large d’autres mandats. Il y a même eu un moment où l’ensemble de la Palestine mandataire était prévue pour constituer un état juif.

D’un certain point de vue, on peut dire que la répartition état juif/état arabe sur l’ancienne Palestine mandataire est déjà résolue. On pourrait l’appeler :

10. La solution déjà trouvée : la rive orientale du Jourdain est l’état palestinien, qui s’appelle Jordanie, et la rive occidentale l’état Israélien. La Cisjordanie et Gaza s’insèrent dans une nouvelle question qui est celle de la clarification des frontières des différentes parties.

Rien ne dit non plus qu’il faille trouver une solution immédiate. Les problèmes territoriaux non résolus au Moyen Orient en particulier et dans le monde en général abondent.

11. La solution du statu quo. On attend. On attend quoi ? Qu’une nouvelle génération arrive, que les paramètres géopolitiques changent, que la réalité sur le terrain prenne racine. C’est la solution qui prévaut depuis les années 2000, depuis un peu plus de vingt ans. Mais à l’échelle du Moyen Orient, vingt ans, c’est à peine quelques secondes.

La paix au Moyen Orient peut prendre de nombreuses formes. Y compris des formes inattendues. Qui aurait pensé il y a dix ans que les accords d’Abraham étaient possibles ? Pas grand monde, et certainement pas les grands diplomates et hommes politiques occidentaux, qui partaient tous du principe que la paix au Moyen Orient ne pouvait passer exclusivement que par une paix entre Israéliens et Palestiniens.

La paix entre Israël et les Palestiniens n’est pas là, mais la paix entre Israël et les Emirats Arabes Unis, le Bahrein, le Maroc et le Soudan. est bien là. Et tous ont fait comprendre que les accords continueraient en dépit de la guerre à Gaza. Sans compter que d’autres pays sont proches de les signer également.

Cet accord est arrivé de façon inattendue, et rien ne dit que ce n’est pas, au final, de cette manière que se passeront les choses. Ce sera la dernière solution de notre liste :

12. La solution inattendue. Par définition, on ne peut pas savoir a priori quelle la forme elle prendra. Peut-être que les paramètres changeront, peut-être que les mentalités évolueront. Qui sait. La seule certitude, c’est que la paix finira par advenir. Mais ça sera une paix par et pour Israël, une paix par et pour le Moyen Orient. Une paix qui vient de l’intérieur est la seule qui sera durable. Espérons simplement qu’elle advienne vite et facilement.