Journal d’un civil (43) Shabbat Toldot

18 novembre.

Aujourd’hui est le septième shabbat depuis que nous avons été attaqués par le hamas pendant la fête de Simhat Torah. J’écris « par le hamas », mais il semble que les terroristes du hamas n’aient pas été les seuls. D’après ce que j’ai pu lire, le jihad islamique aurait également pris des otages, et il semblerait que des « civils » de Gaza se soient également infiltrés ce jour-là pour prendre part aux actes terroristes.

J’écris tout cela au conditionnel et avec des guillemets, parce que les informations sont toujours très fragmentées et parfois contradictoires.

Quoi qu’il en soit, ce shabbat ressemble presque à un shabbat normal en ce qui nous concerne. Hier soir, nous avons eu un dîner délicieux, à base de plats mexicains et de crème glacée en dessert.

Et ce matin, nous restons à la maison pour que tout le monde puisse se reposer.

Ma femme lit la parasha de la semaine, qui parle de Yizthak et en particulier de ses activités de puisatier près de la bande de Gaza (à Grar). Elle me demande si j’ai lu la haftarah. Je lui réponds que je n’ai pas encore eu le temps.

Le reste de la journée passe doucement. Vers quinze heures trente on sort et on emmène les enfants jouer au parc.

A 17h30, c’est l’heure de la havdala. La semaine recommence.

Vers 19 heures, les enfants vont au lit, mais ce soir, ils ont du mal à s’endormir. Je dois rester avec pendant un long moment. Alors je rallume mon téléphone, et je lis les nouvelles, ces flux permanents sans hiérarchie et sans contextualisation, ces prises de vues direct de l’actualité en train de se faire.

Voici, entre autres, ce que j’apprends :

  • Il y a eu une manifestation aujourd’hui samedi, qui s’est rendue chez le premier ministre pour demander la libération des otages : 30 000 personnes.
  • Biden a déclaré, dans un article du Washington Post, que les USA seraient prêts à mettre des sanctions interdisant l’entrée sur le sol américain aux « extremist settlers » impliqués dans des attaques contre les Palestiniens en Cisjordianie.
  • David Bashevkin écrit sur Twitter : “I remember 2 things from the Klausenberger Rebbe during the Yom Kippur War.
    Not to speak negatively about the Jewish people. To discover the beauty within each Jew.
    Torah study. He made sure to study Torah every moment of the day.
    ~Rav Asher Weiss
  • Dans un éditorial, Ha’aretz s’émeut de voir une vague de « sionistes religieux » dans les forces au sol à Gaza. « Le gouvernement a envoyé l’armée pour se battre dans le bande [de Gaza], pas pour exercer sa vengeance sur la population civile ou pour l’occuper et la coloniser à nouveau ».
  • L’ancien premier ministre, Ehud Olmert déclare dans une interview donnée à Euronews, que le véritable centre de commandement du hamas se trouve à Khan Yunis, autrement dit : dans le sud de la bande de Gaza. Il ajoute : « Had you asked me two weeks ago, I’d have told you that the center is really in Khan Yunis. »
  • Autorisé à la publication il y a quelques jours, mais je n’ai vu l’information qu’aujourd’hui : une des otages, une Thaïlandaise du nom de Nutthawaree Munkan, était enceinte de 35 semaines lorsqu’elle a été kidnappée le 7 octobre. Israël estime qu’elle a accouché, ce qui ajoute un bébé de plus au nombre de personnes retenues otages : elles sont désormais 240.
  • Un long fil est consacré aux ONG et à leur absence totale de réaction face aux événements du 7 octobre et aux prises d’otages.
  • Le prince héritier du Bahrein condamne le hamas : « je condamne le hamas sans équivoque ». « Je me tiens du côté des civils et des innocents et non du côté des postures politiques ». « L’attaque du 7 octobre était barbare, horrible et sans distinction ».
  • Une étude a été réalisée à Gaza et en Cisjordanie, pour demander aux habitants ce qu’ils pensaient des événements du 7 octobre. 59% soutiennent totalement, 16% soutiennent dans une certaine mesure. Le soutien est plus élevé en Cisjordanie que dans la bande de Gaza. (Étude de l’université Beir Zeit, située en Cisjordanie près de Ramallah). Note : le site n’est plus disponible au moment où j’écris ce texte, étant donné que les serveurs ont dépassé la capacité d’accueil. Cela dit je me souviens de tête que le nombre de personnes interrogées me semblait un peu bas (660 et quelques) et que j’aimerais savoir comment ces données ont été collectées.

Aujourd’hui j’ai également lu la presse papier, ce qui, en temps normal, est un des grands moments de détente de la semaine. Le journal cette semaine était Actualité Juive dans sa version papier israélienne, n° 1712. J’y ai trouvé un certain nombre de faits et de chiffres extrêmement intéressants.

  • Dans un article consacré à l’idéologie du hamas, on apprend que « le hamas ne nie pas la Shoah, qu’il présente donc comme un châtiment divin contre les Juifs. Il accuse toutefois les Juifs d’avoir exagéré l’ampleur pour gagner le soutien du monde et obtenir la création de l’état d’Israël. Et la mission de châtier les Juifs incombe au Hamas ». (Interview de Nesya Shemer, professeur d’études islamiques à l’université Bar Ilan, article de Pascale Zonszain).
  • Le hamas en quelques chiffres : 30 000 hommes répartis en 5 brigades de 24 bataillons. (Autre article de Pascale Zonszain).
  • Cinq cent mille personnes ont déplacé en Israël : les kibboutzim autour de Gaza ainsi que les localités situées à la frontière du Liban. 40 000 chambres d’hôtel ont été réquisitionnées, avec un financement du gouvernement. A Eilat, tout est plein : environ 50 000 réfugiés. D’autres ont décidé de partir par leurs propres moyens et sont logés chez des amis ou de la famille. 31 000 habitants de Sderot ont été évacués une semaine après le début de la guerre. Depuis le 14 octobre, les déplacés peuvent recevoir une allocation de 200 shekels (48€) par jour par adulte et 100 shekels (24€) par jour par enfant. Se pose bien sûr la question des doubles loyers. (Article de Nathalie Sosna-Ofir)
  • Une personne ayant quitté Kfar Aza, un kibboutz près de la bande de Gaza, mentionne quant à elle une aide reçue en une fois de 5 000 shekels (1 200 €). (Ibid).
  • On apprend également que l’entreprise Rafael, qui développe les équipements utilisés par Tsahal, déploie son système de Iron Beam (le faisceau de fer), des faisceaux laser de 100 kilowatts qui peuvent détruire les missiles en vol. Le coût est très faible : 3,50 $, contre 15 000 $ le contre feu du dôme de fer. (Article de Tal Zana).
  • L’économie en temps de guerre : 67 000 licenciements, plusieurs centaines de millier en congé sans solde. (Article de Raphaël Hassine)

Quelques notes en vrac, mélange de ce que j’ai lu ce soir et de conclusions plus générales. Je les mets ici pour avoir une trace de quel était mon état d’esprit à ce moment-là.

[Ici se trouvent deux remarques qu’il ne me parait pas approprié de publier pour le moment. En particulier, la seconde mérite que je vérifie le chiffre que j’ai entendu, ce que je n’ai pas le temps de faire pour le moment].

Troisièmement : On se demande si on n’est pas dans l’œil du cyclone. Concrètement, tout est calme à Be’er Sheva depuis une semaine. La dernière alerte a eu lieu shabbat dernier, le 11 novembre. Mais les tirs continuent depuis Gaza sur le reste du pays, et surtout, les incidents se multiplient à la frontière nord. On a parfois l’impression d’être dans une fausse suspension entre la guerre à Gaza et une potentielle nouvelle guerre du Liban.

La semaine commence bien.

Fin du 43ème jour, 18 nov. 2023, 5 kislev 5784, et début du jour suivant.