Journal d’un civil (131) Liste des façons dont la guerre se rappelle à nous dans l’espace public

Mercredi 14 février

Les gens qui affichent un ruban jaune sur leur profil dans les réseaux sociaux.

Les gens qui portent le médaillon. De la forme de celui que portent les militaires dans les films de guerre. Divisé par des pointillés qui aident à briser le métal en deux parties égales. En haut, en hébreu : « halev shelanu shivoui beAza* ». En bas, en anglais « bring them home now ». Certaines personnes le portent en pendentif. D’autres le gardent dans la poche ou quelque part en vue.

Les affiches de libération des otages, qu’on voit partout. Sur les murs d’affichages libres, sur les arrêts de bus, sur les grilles qui entourent les bâtiments publics.

Les grandes affiches composites. Un montage de dizaines de photos d’otages, en général autour d’un texte qui dit, en grosses lettres, « ramenez-les à la maison maintenant ». Les photos de ceux qui ont été libérés reçoivent un petit autocollant, qui indique qu’ils sont rentrés.

Les véhicules militaires qui passent dans la rue. Plus qu’avant peut-être. Mon fils est toujours ravi de les voir, et leur fait bonjour de la main. Les soldats répondent toujours en souriant.

Les avions et les hélicoptères. On apprend à les reconnaître au bruit. Et on suit également plus ou moins leur trajet.

Les soldats en uniforme. Avant on se disait : ils font leur service. Maintenant on se demande s’ils reviennent de Gaza ou s’ils y vont.

Le journal qui donne tous les jours le nombre de jours depuis le début de la guerre sur la une.

Certaines personnes qui portent le nombre de jours écrit sur un morceau de scotch médical collé sur la poitrine. Pourquoi un tel morceau d’adhésif ? Probablement pour le changer facilement. Chaque jour qui passe, un nouveau morceau.

Les emballages ont souvent changé leur design. La marque de café la plus connue en Israël, celle qu’on utilise pour faire le café turc, a sorti trois paquets : « am Israel hai », « beyahad nanetsah », « ein lanou erets nehaderet ». Ce sont les trois phrases qui reviennent le plus.

Les essuie-tout disent « ensemble, nous vaincrons ».

Au stade de basket de Be’er Sheva, dans les tribunes : une place réservée par otage, avec sa photo.

Au musée de Tel Aviv, il y avait une installation où l’on voyait une table dressée, nappe blanche, verres et assiettes, et des dizaines de sièges vides autour. Deux cent trois exactement au 20 octobre.

Les panneaux créés par les particuliers pour l’occasion. A Tel Aviv, sur la devanture d’une boutique de mode : « je n’avais jamais imaginé que des gens que je ne connais pas puissent me manquer autant ».

Sur le mur d’entrée de l’université Ben Gourion : une photo d’une jeune femme détenue à Gaza, et une phrase qui dit : « elle aussi aurait dû faire sa rentrée aujourd’hui. » La rentrée universitaire a été décalée au mois de décembre. Les Israéliens commencent l’université bien après les Européens ou les Américains, en général pas avant 23/24 ans.

Des panneaux « ensemble nous vaincrons » qui sont installés un peu partout. Ici ils sont en libre-service à la station essence. Il y a des trous tout autour pour les installer facilement sur un balcon, une rambarde ou une grille.

Les drapeaux. Très présents dans l’espace israélien à la base. Encore plus sur les voitures depuis le 7 octobre.

Au café, sur les écrans qui servent généralement à passer des publicités, on voit également les photos de certains otages, et la phrase « ensemble ».

A l’aéroport, le long du couloir qui descend vers la frontière, les photos qui se succèdent.

Au moment de scanner le passeport, une photo apparaît.

Les gens qui portent un ruban jaune.

Fin du 131ème jour, 14 février 2024, 5 adar I 5784.


*halev shelanu shivoui beAza : notre coeur est prisonnier à Gaza.
bring them home now : ramenez-les à la maison maintenant
am Israel hai : le peuple d’Israël vit
beyahad nanetsah : ensemble nous vaincrons
ein lanou erets nehaderet : nous n’avons pas d’autre pays