Journal d’un civil (33) Le mental

J’ai des lecteurs formidables. Depuis que j’ai commencé ce journal quotidien, je reçois des messages de soutien et d’encouragement qui font chaud au cœur.

A la suite de plusieurs passages dans mes articles de la semaine dernière, une lectrice m’écrit : « Savez-vous que se réveiller (beaucoup) trop tôt et vouloir que la journée finisse (beaucoup) trop tôt est un signe manifeste de dépression ? »

Elle a raison de soulever la question. Je suis attentif au problème et nous sommes dix millions dans le pays à avoir des hauts et des bas.

En ce qui me concerne j’ai eu un jour de gros bas le premier novembre. Je me suis senti comme au plus profond d’une dépression et j’ai essayé de décrire ce que je ressentais. Mais étrangement, ça n’a duré qu’une journée. Le lendemain, tout allait aussi bien que possible en ces circonstances et depuis, le moral oscille entre bon et excellent.

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Journal d’un civil (32) Le rire

Ce matin, j’ai commencé à organiser ma nouvelle bibliothèque. J’ai installé un fauteuil très confortable dans un coin, entre deux meubles, de façon à avoir un endroit cosy où lire et méditer. Je peux aussi attraper des livres sans me lever et poser une tasse de thé à portée de la main : le bonheur.

Toute la question était de savoir quel thème j’allais choisir. Quels livres installer dans cette bibliothèque collée au fauteuil ? La philosophie ? La linguistique ? Les bandes dessinées ? J’ai décidé de revenir aux fondamentaux, au sujet qui m’a occupé pendant mes années d’études universitaires : la littérature française.

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Journal d’un civil (31) L’école

6 novembre.

Hosanna ! Sasson ve’simha ! Jour de gloire à Be’er Sheva ! Aujourd’hui, l’école reprend !

Bien sûr, quand je dis « hosanna », je l’utilise dans le sens français du terme. Comment un mot qui, en hébreu, veut dire « de grâce, secours-nous » a mué pour une expression de joie me dépasse totalement. Mais c’est une catégorie linguistique identifiée : des mots dont le sens actuel est l’opposé du sens d’origine. Je me souviens encore d’un de mes professeurs nous détaillant ce phénomène. Le mot qu’il avait utilisé en exemple était « énervé ». Etymologiquement : « privé de nerf, c’est-à-dire mou ». Aujourd’hui le sens est exactement l’inverse : il signifie « excité ».

Bref, l’école reprend.

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Journal d’un civil (30) Le deuil

5 novembre 2023.

                Dimanche, premier jour de la semaine israélienne. Dimanche, plein d’énergie et de bonne volonté.

                La nuit a été un peu difficile. Ma fille s’est réveillée en pleurant, probablement à cause de quelques dents qui ont du mal à sortir, et tout le monde a eu du mal à se rendormir. A six heures, j’ouvre un œil, puis le suivant, et la journée se met en route.

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Journal d’un civil (29) Shabbat Vaera

4 novembre 2023.

                Cela fait cinq shabbats que tout a commencé, le sept octobre inclus. Soit quatre semaines. Quatre semaines de guerre. Quatre semaines que nos otages sont enfermés dans les tunnels de Gaza. Quatre semaines que je tiens ce journal et que j’espère le terminer au plus vite.

                Ce matin, nous n’avons pas envie de sortir. Non pas qu’il y ait une raison particulière. Le moral est bon, le physique aussi. On a juste envie de rester à la maison et de se reposer.

                Alors on traîne un peu, on lit, on mange et on joue avec les enfants.

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Journal d’un civil (28) Le vocabulaire

Vendredi 3 novembre 2023.

                Ce matin, le programme est double : atelier cuisine et atelier construction. L’atelier cuisine pour préparer shabbat, l’atelier construction pour préparer le nouvel appartement. Bâtir le temps et bâtir l’espace, pour faire en sorte qu’ils se retrouvent.

                L’atelier cuisine : préparation des légumes que l’on a reçus hier soir grâce à notre merveilleux panier fermier.

                Il y a un sujet agriculture depuis quelques semaines. Un grand nombre des kibboutz autour de Gaza sont des kibboutz agricoles. Les habitants évacués, que faire des cultures et des élevages ? Des volontaires vont travailler dans les champs, les soldats arrosent les plantes et une grande chaîne de supermarché nous a même envoyé des messages pour dire qu’ils distribuaient la production. Idem pour les élevages de poulets, qui ont dû être abattus en plus grand nombre que prévu : il y a surproduction, et le grand magasin de viande de Be’er Sheva propose des prix très bas.

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Journal d’un civil (27) Les croque-monsieur

Jeudi 2 novembre.

Les dates du calendrier grégorien me paraissent de plus en plus lointaines. Depuis que j’habite en Israël, tous les repères spatio-temporels avec lesquels j’ai grandi sont différents.

                En France, le mois de novembre était le mois des premiers jours de froid. Un mois bien balisé avec ses deux jours fériés. Le mois où le paysage commence à changer. Les décorations de Noël sont installées dans les rues. Pour les Américains, c’est aussi le mois de Thanksgiving, l’occasion pour notre famille de préparer un repas gargantuesque.

                Depuis que j’habite à Be’er Sheva, le mois novembre ne se ressemble plus. Il fait beau et chaud. Pas comme en été, où le soleil est de cendre, mais comme un mois de juin toulousain. Vingt-sept degrés, pas un nuage dans le ciel et des fleurs partout. Il n’y a aucun jour férié, aucune fête, rien à l’horizon. Hanoukah est encore dans un mois et demi.

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Journal d’un civil (26) Les écouteurs

01 nov. 2023

Réveillé à 4h45. Ou à 4h30. Ou à 5h. Tout se mélange, tout ressemble à tout. Nouvelle journée brumeuse, nouvelle journée pour rien. J’ai l’impression de peser un million de tonnes et de ne rien pouvoir faire.

                Aujourd’hui, comme tous les jours, je suis réveillé aux aurores. Il est quatre heures et demie : mon fils n’est pas au courant qu’il y a eu un changement d’horaire, une invention absurde faite pour faire enrager les parents de jeunes enfants. On essaye de lui apprendre à rester au lit, mais depuis dimanche on ne peut pas dire que ça soit une réussite.

                J’essaye de me rendormir, mais c’est fini. Ma tête aussi ignore qu’il y a eu un changement d’heure. La journée n’est pas commencée que je suis déjà fatigué.

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Journal d’un civil (25) Les bibliothèques

31 oct. 2023

                Déjà mardi. En Israël, c’est le milieu de la semaine de travail. Lorsque mardi est terminé, le week-end commence à approcher. Ces derniers temps j’ai l’impression que mon horizon s’est passablement rétréci. Le matin, j’attend le soir. Le soir, j’attend le shabbat. Et lorsque le shabbat est fini, j’attends aussitôt le suivant. Le shabbat, ce seul moment où j’ai l’impression de pouvoir décompresser un peu, lorsque le monde de la technologie est sommé de se taire pour nous laisser respirer un peu.

                Aujourd’hui, la mission principale était simple : aller chez Ikea pour acheter des étagères. Nous avons une large bibliothèque, qui, dans l’appartement actuel, est dispersée dans différents placard et dans quelques étagères qui resteront sur place. Nous avons environ 5 000 ouvrages (à bisto de nas comme on dit dans le Sud Ouest) : autant dire que partout où j’ai vécu, les bibliothèques ont toujours été le meuble le plus important.

                A chaque fois que je visite un nouvel appartement, la première question que je me pose c’est : où mettrait-on les livres ? S’il y a de la place, on peut commencer à penser au reste. Sinon, suivant.

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Journal d’un civil (24) Les mondes parallèles

30 otc. 2023

                Quand j’habitais à Paris, il y avait un jour de l’année qui était très particulier : le jour de Yom Kippour. Lorsqu’il tombait en semaine, j’avais l’impression de vivre très nettement à l’intersection de deux mondes qui semblaient totalement étrangers l’un à l’autre. D’un côté c’était le jour le plus saint du calendrier : un jour de jeûne, de réflexion, de prière. Un jour où je m’habille en costume mais où mes chaussures sont des baskets. Un jour où le ciel s’ouvre pour écouter notre voix, un jour où l’on peut, parfois, sentir les mouvements les plus délicats de l’être, enveloppé dans son châle de prière, pendant que le rabbin chante une antique mélopée et que les mots plusieurs fois millénaires nous entourent de toute leur dureté et de toute leur tendresse.

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