Vendredi 9 février
Ce soir, commence le premier jour du mois de Adar, un mois extrêmement important dans le calendrier hébraïque. Il y a un proverbe qui dit : « avec Adar, la joie augmente ». Les jours rallongent, la température est plus clémente, la pluie devrait commencer à ralentir un peu : on sent que le printemps arrive.
C’est surtout le mois dans lequel se déroule la fête de Pourim, durant laquelle on lit le rouleau d’Esther. L’histoire ? Elle se déroule en Perse. Un premier ministre complote pour détruire le peuple juif, sans savoir que la reine est issue de ce peuple. A première vue ça ressemble à une histoire un peu merveilleuse, une intrigue qui se passe dans un harem, avec des complots déjoués miraculeusement et des renversements de fortune inattendus. Mais, pour qui prend soin d’étudier les commentaires et de lire le texte avec précision, c’est une grande méditation sur le sens de l’histoire et sur les mécanismes qui la régissent.
C’est surtout le moment où on étudie les liens entre le peuple juif et la Perse (aujourd’hui l’Iran), et la manière dont ils ont cherché à nous détruire, mais ça s’est retourné contre eux.
Ce matin, en prologue à tout cela, on apprend que Méta vient de fermer les comptes de l’Ayatollah Khameini sur Facebook et Instagram. Quitte à le faire, autant le faire sur le seuil du mois de adar, cadeau de Mark Zuckerberg.
Cette année, particularité du calendrier, il y a deux mois de adar successifs (ce qui arrive tous les deux ou trois ans) ce qui va donner deux fois plus d’opportunités de se réjouir. Yanki Tauber, dans un article intitulé Sixty days of Pourim, rapporte l’enseignement suivant du Rabbi de Loubavitch à propos de ces années spéciales où Adar dure soixante jours :
« Le Rabbi de Loubavitch souligne que le nombre “60” représente le pouvoir de transformation. Une règle empirique dans la loi de la Torah est le principe “annulé par soixante”. Par exemple, si un morceau d’aliment non casher tombe accidentellement dans une casserole d’aliment casher, l’élément indésirable est “annulé” si l’élément désirable est soixante fois plus grand que lui. Ainsi, conclut le Rabbi, au cours d’une année bénie par un double Adar de 60 jours, tous les éléments indésirables – toutes les causes de douleur, de tristesse, de découragement ou d’abattement – sont annulés et sublimés par la joie transformatrice d’Adar. »
Ce soir, pour dîner, ma femme a prévu un dessert spécial. Elle a lu récemment l’histoire de l’une des otages dont la mort a été confirmée, une jeune femme du nom de Hadar, qui aimait faire des pâtisseries et qui adorait la cannelle. En hommage à cette polyphonie Adar/Hadar, elle a préparé une compote de pommes à la cannelle qui embaume l’appartement depuis ce matin.
Ma femme a ensuite partagé l’anecdote dans son groupe des mères de la région, en demandant qui avait envie de faire également un dessert à la cannelle en mémoire de Hadar. L’une des personnes du groupe a répondu, très émue, que la tante de Hadar est sa voisine. En Israël, ce ne sont pas six degrés de séparation qui nous attache les uns aux autres, mais deux, trois tout au plus.
L’autre nouvelle du jour, c’est une déclaration du président Biden qui a dit que « la conduite de la réponse à Gaza était excessive [over the top] ». La première réaction de beaucoup d’Israéliens a été, je pense, de se dire qu’avec des alliés pareils, etc. Mais la seconde concerne la santé mentale du président, qui est censé être le chef de la première armée du monde. Son état de santé interrogeait déjà avant son élection, et, depuis, on ne peut pas dire qu’il se soit amélioré.
Il y a quelques jours il a raconté qu’il avait parlé avec le président français François Mitterrand, à l’occasion du G7, qui lui avait confirmé que l’Amérique était de retour. Puis il a évoqué le chancelier allemand : Helmut Kohl. Et hier, après s’être justifié en disant qu’il n’avait aucun problème de mémoire, il a parlé du président Sissi du Mexique.
Les Démocrates se retrouvent dans une situation extrêmement compliquée. Les primaires ont commencé, et Biden étant à nouveau candidat, personne de sérieux n’est allé contre lui.
Or voilà qu’une affaire est en train de sortir : un procureur a remis un rapport concernant un crime potentiel. Biden a emporté chez lui, pendant des années, des dossiers classé défense, ce qu’il n’était pas censé faire. Faut-il le poursuivre ? Le procureur a remis un rapport de 300 pages expliquant que non, parce que, en substance, aucun jury ne le condamnerait étant donné qu’il n’avait plus toute sa tête.
Le dilemme est terrible : soit les démocrates admettent que Biden est très fatigué, et il faut enclencher le 25ème amendement, par lequel il est déclaré inapte, ce qui lui retire les pouvoirs de la présidence. Soit il déclaré totalement apte, et alors il faut le poursuivre, pour un crime pour lequel Trump a été condamné également.
Si Biden est dans l’incapacité d’assurer ses fonctions, Kamala Harris, la vice-présidente devient présidente. La route va être très, très longue jusqu’à l’élection en novembre prochain, et l’investiture fin janvier 2025.
En attendant, ce soir c’est shabbat. L’occasion de manger, de jouer, de lire, de se promener, de prier, de méditer, de profiter d’un moment de calme, loin des réseaux et des informations continues. En ce moment, plus que jamais, on en a bien besoin.
Puissions-nous allez de joies en joies durant ces soixante jours d’adar 5784. Shabbat shalom.
Quelques événements qui se sont produits au mois de adar :
1er adar : début de la plaie des ténèbres, racontée dans le chapitre 10 de l’Exode.
2 adar (598 avant notre ère selon le compte traditionnel) : chute de Jérusalem aux mains de Nabuchodonosor.
3 adar : achèvement de la construction du deuxième Temple
4 adar (1992) : décès de Menahem Begin
7 adar : naissance de Moïse, et décès d’icelui, 120 ans plus tard
9 adar : jour de dissentions entre l’académie d’Hillel et l’académie de Shamai, à propos de 18 points de halakha. Mort de 3 000 de leurs élèves. Considéré comme un jour de jeûne par le shoulhan aroukh, mais n’a jamais été observé en tant que tel.
13 adar : guerre entre les Juifs et leurs ennemis dans l’empire perse, raconté dans le chapitre 9 du livre d’Esther.
Egalement : yom Nicanor, en référence à la défaite du général Nicanor à la bataille de Adasa, pendant la guerre des Maccabés.
14 adar : victoire de Pourim dans l’empire perse.
15 adar : la victoire est célébrée dans la capitale, à Shoushan (aujourd’hui : Suze).
Egalement : jour de la muraille de Jérusalem, en référence au roi Agrippa I, qui fit commencer la construction de la muraille qui entoure la ville. Le jour était fêté.
17 adar : yom adar (littéralement « jour d’adar »), jour où les Juifs commencèrent à quitter l’empire Perse après l’histoire de Pourim.
18 adar : mort de Joseph Staline
20 adar : jour où Honi le faiseur de cercles a prié pour la pluie, tel que raconté dans Taanit 23a
23 adar : le mishkan est assemblé pour la première fois
25 adar : mort de Nabuchodonosor
28 adar : fête pour célébrer la fin d’un décret de l’empire romain contre l’étude de la Torah, la circoncision et l’observance du shabbat.
– Fin du 126ème jour, 9 février 2024, 30 shevat 5784., veille de Rosh Hodesh adar.