Journal d’un civil (49) Blue Friday

24 novembre / 11 kislev

Aujourd’hui, comme souvent, la journée se divise en deux réalités qui se superposent de façon grotesque.

D’un côté le dérisoire. Ce matin, puisque c’est le lendemain de Thanksgiving, c’est le Black Friday, ce jour de soldes importé des Etats Unis.

Mais d’emblée, le Black Friday a connu une première transformation pour s’adapter à la culture locale. Car le vendredi, en Israël, c’est le jeudi. Ce qui est logique, vu que le jeudi, c’est le mercredi. Ce qui vient du fait que le lundi est en réalité le dimanche : la semaine commence un jour plus tôt, et donc, mécaniquement, finit un jour plus tôt. Or mettre un jour de soldes un vendredi, premier jour de week-end, qui plus est un jour où tout le monde est occupé à préparer le shabbat, n’est pas forcément une idée géniale.

D’où le fait que, souvent, le Black Friday est en réalité un jeudi.

Mais ce n’est pas tout. Cette année, le black Friday n’est pas non plus noir. Parce que le mot noir associé à un jour de semaine a pris une signification trop forte pour le public israélien. Le shabbat noir (shabbat shrourah) est l’un des noms qui désigne le 7 octobre.

Alors la couleur a changé, pour devenir plus patriotique, et quelle meilleure couleur pour dire Israël que le bleu ?

Le bleu du drapeau, qui est un rappel du bleu du tallit, qui est un rappel du bleu que l’on utilise pour teindre l’un des fils du châle de prière.

Et voilà comment le black Friday est devenu un blue Friday, et que ce blue Friday commence un jeudi. Un vrai bazar ; une vraie histoire israélienne.

Parallèlement, alors que le centre commercial, ce matin, débordait de monde, le cessez-le-feu a commencé à sept heures.

Ce n’est pas le premier cessez-le-feu que nous connaissons avec le hamas, et, en se basant sur leur comportement par le passé, on peut s’attendre à deux choses.

1. Qu’il y ait des tirs juste avant le cessez-le-feu
2. Qu’ils rompent le cessez-le-feu.

Sur le premier point, ça a été plutôt calme. Il n’y a pas eu de tir de barrage dans l’heure qui a précédé comme c’est souvent le cas. On a compté une alerte sur la zone de Sha’ar Hanegev à 4:36 et une autre sur la zone de Eshkol à 6:45.

Sur le second point en revanche, ça a été rapide. A sept heures quinze, quinze minutes après le début officiel de la trêve, alerte sur Ein Shlosha et Kissufim, près de Gaza. Ça serait drôle si ça n’était pas tragique. A l’heure où j’écris ce texte (13h30), la trêve semble tenir. 39 prisonniers palestiniens qui étaient détenus pour des attaques terroristes sont en train d’être transférés. Nous attendons la libération de treize otages, qui devrait arriver à 16h00.

La croix rouge n’a pas communiqué le protocole d’échange pour des raisons de sécurité.

Comme shabbat commence tôt (16h19), nous ne saurons probablement pas avant demain soir ce qu’il en est.

L’opération mise en place par Tsahal s’appelle Portes du ciel. Les otages devraient être libérés via l’Egypte, avant d’être emmenés dans une base dans le sud d’Israël, puis dans différents hôpitaux. Une image résume tout : on voit une table sur laquelle sont disposés tout un tas de jouets. Il y a des peluches, des balles, des jouets pour faire des bulles. Il y a également des feutres, des livrets avec des autocollants. Le genre de jouets qu’on trouve partout, jusque dans les stations services, le genre de jouets que tous les enfants israéliens connaissent.

Je m’apprête à éteindre l’ordinateur et les réseaux sociaux pour vingt-cinq et quelques heures.

Puissions-nous les rallumer dans un monde où tous ces jouets auront été utilisés. – fin du 49ème jour, 24 novembre 2023, 11 kislev 5784.