Journal d’un civil (51) Les libérations

26 novembre.

Enfin, le hamas a libéré des otages. Vendredi soir, ils étaient vingt-quatre à sortir de Gaza.

Samedi soir, le hamas devait libérer un nouveau groupe, mais, dès le milieu de la journée, un de ses responsables a fait savoir qu’il y allait avoir des problèmes. Selon lui, Israël ne respectait pas l’accord et ne laissait pas passer le nombre requis de camions humanitaires, et, semble-t-il, plus particulièrement vers la partie nord de Gaza. Ce qu’Israël a démenti.

Toujours est-il qu’à l’heure voulue, les otages figurant sur la liste n’étaient toujours pas revenus. Maintenant qu’ils ont relâché vingt-quatre otages, ils finassent. Ils en ont relâché 10% : dans leur esprit, ils mériteraient presque le prix Nobel.

Alors ils chouinent. La position victimaire, la posture qu’ils préfèrent. Après tout ils auraient tort de se priver : dans la morale occidentale, c’est une position de vertu. Mais ce faisant, ils ne tiennent pas l’honneur, ce qui, dans la morale arabe est un vice. Le Qatar et l’Egypte, qui se sont portés garants de l’accord, ont envoyé des émissaires au point de passage de Rafah (frontière égyptienne) pour dire au hamas leur façon de penser.

« Arrêtez de jouer, tout cela va très mal se terminer pour vous. Libérez les otages tout de suite. », a été, selon Noémie Halioua, ancienne correspondante pour i24 news, le message principal.

Et donc samedi soir, un nouveau groupe d’otages a été libéré.

Il était composé de treize Israéliens et de quatre Thaïlandais. Leurs noms sont :

Shoshan Haran (67 ans), sa fille Adi Shoham (38 ans), les enfants d’Adi, Yahel (3 ans) et Naveh (8 ans), Shiri Weiss (53 ans) et sa fille, Noga Weiss (18 ans), Maya Regev (21 ans), Hila Rotem (12 ans), Emily Hand (9 ans), Noam Or (17 ans) et Alma Or (13 ans), Noam Avigdori (12 ans) et sa mère Sharon Avigdori (52 ans), Natthaphon Onkaew, Khomkrit Chombua, Anucha Angkaew et Manee Jirachat.

La presse précise les âges des Israéliens car celui-ci est un critère mentionné dans l’accord, tandis que pour les Thaïlandais, leur seule nationalité a été le critère de leur libération.

Au même moment, il y a eu beaucoup d’agitation de la part des Européens. Vendredi soir, le premier ministre espagnol et le premier ministre belge ont même donné une conférence de presse au passage de Rafah. La presse israélienne était tellement étonnée, que le Times of Israel a titré : « une conférence de presse bizarre ».

Le premier ministre espagnol a fait part de son point de vue disant qu’il serait souhaitable que l’Union Européenne reconnaisse un état palestinien, mais que si elle ne le faisait pas, « l’Espagne prendrait sa propre décision ».

Ce à quoi Lahav Harkov, journaliste au Jerusalem Post, a répondu avec ironie, en retweetant cette déclaration : « Nous ne voulions pas reconnaître un État palestinien auparavant, mais maintenant que les Palestiniens ont massacré 1200 personnes en Israël en une journée et en ont enlevé 240, nous pensons qu’il est temps de les récompenser. »

Dans la continuité des dirigeants européens qui devraient tourner trois fois leurs pouces avant d’écrire, le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a twitté, à propos de la libération d’une enfant israélo-irlandaise : « C’est un jour de grande joie et de soulagement pour Emily Hand et sa famille. Une enfant innocente qui avait été perdue a été retrouvée et rendue, et nous poussons un énorme soupir de soulagement. Nos prières ont été exaucées. »

Les commentaires sont verrouillés, mais une première note de communauté ajoute : « Emily Hand n’a pas été “perdue”, elle a été “kidnappée”, prise en otage par le Hamas. L’enlèvement est contraire à la loi, la perte ne l’est pas. »

Une seconde note dit également : « Les termes “perdue” et “retrouvée” sont trompeurs. Emily, 8 ans, a été “perdue” lorsqu’elle a été enlevée dans un kibboutz par des terroristes du Hamas. Elle a été “retrouvée” 50 jours plus tard lorsqu’elle a été échangée par le Hamas contre trois prisonniers palestiniens. »

Dans ce paysage, le probable futur premier ministre néerlandais, Geert Wilders, détonne. Un article paru sur le site Politico explique : « Ces dernières années, il a défendu le droit d’Israël à établir des implantations en Cisjordanie et a souvent réitéré l’idée que la Jordanie est la Palestine […]. » Ces déclarations ont été condamnées samedi 25 par la Jordanie, l’Autorité Palestinienne et la Ligue Arabe.

Wilders a retweeté le lien en commentant : « Jordan is Palestine! »

Dimanche après-midi, le même scénario se répète. Israël reçoit la liste des otages qui vont être libérés et notifie les familles. Israël communique la liste des prisonniers palestiniens qui vont être libérés à l’autorité pénitentiaire. Des foules se pressent pour accueillir les otages de la veille, qui sont passés par toutes les étapes nécessaires, en particulier médicales. Un dirigeant international de premier plan fait une déclaration totalement absurde. Des foules palestiniennes célèbrent la libération de criminels.

Et nous, petit public qui vaquons à nos occupations de début de semaine, nous attendons. Nous regardons les mises à jour qui appariassent sur nos téléphones. Nous consultons les réseaux sociaux. Nous attendons qu’on nous confirme que ça y est, les otages sont revenus.

Enfin, la libération arrive. On apprend que les otages sont sortis de Gaza et on découvre leurs noms. Ce soir, dimanche 26, ce sont quatorze Israéliens et trois Thaïlandais qui ont été libérés. Leurs noms sont :

Hagar Brodutch (40 ans) et ses enfants, Ofri (10 ans), Yuval (9 ans) et Oriya (4 ans), Roni Krivoi (25 ans), Chen Almog Goldstein (48 ans) et ses enfants Agam (17 ans), Gal (11 ans) et Tal Almog (9 ans), Avigail Idan (4 ans), Elma Avraham (84 ans), Aviva Siegel (64 ans), et les soeurs Ela (8 ans) et Dafna Elyakim (15 ans), Wichian Temthong, Surin Kesungnoen et Pornsawan Pinakalo.

Trente-neuf Palestiniens ont été libérés. Le Times of Israel précise : « Tous les prisonniers palestiniens libérés ont été inculpés pour terrorisme et nombre d’entre eux ont été condamnés pour leurs crimes. »

On apprend également ce soir que le hamas souhaiterait prolonger la trêve, ce qui est prévu dans l’accord initial s’ils libèrent d’autres otages.

L’émotion ressentie dans le pays est très forte. Le simple fait de lire l’information est déjà un soulagement extrême. On suit les nouvelles, on échange les histoires, on regarde les vidéos. Après 50 jours de guerre, on prend le réconfort là où il est. Chaque otage qui revient, chaque personne qui retrouve ses proches, lorsqu’ils sont encore en vie, est une belle nouvelle, un fragment de lumière dans une période bien sombre.

Sombre, car le temps de la guerre n’est pas terminé. C’est une pause, ce qui est littéralement le terme que l’on utilise en hébreu pour dire “cessez-le-feu” : une pause du feu (afsakat esh).

Mais le feu va reprendre, et bien malin qui pourra dire dans quelle direction il va se propager. -fin du 51ème jour, 26 novembre 2023, 13 kislev 5784.