Journal d’un civil (135) Quelques heures de normalité

Dimanche 18 février

Le dimanche est un jour qui ne compte pas vraiment dans mon calendrier personnel. C’est le lendemain de shabbat, ce qui veut dire que l’appartement est dans un état chaotique indescriptible. Alors dès que je me lève, le combat contre l’entropie commence. Et avec deux enfants en bas âge, l’entropie est plus forte que dans d’autres régions du pays !

Il faut ranger les jouets, passer le balai puis la serpillière, faire une montagne de vaisselle, enlever le linge propre de l’étendoir, faire une lessive (mais pas trop tôt pour ne pas réveiller la voisine du dessous, qui vient d’avoir un bébé), et ainsi de suite jusqu’à ce que j’aie l’impression que l’endroit est à nouveau habitable pour la semaine.

L’autre moment important de ma journée dominicale : rattraper le retard d’écriture. Cela fait très longtemps que je travaille six jours par semaine. Ce que mes clients apprécient (parfois). Du vendredi soir au samedi soir, pendant le repos shabbatique, tout est coupé, tout s’arrête. Les bénéfices sont nombreux, y compris pour l’écriture. Mais depuis que j’ai commencé ce journal, dont le format m’impose d’écrire un texte pour chaque jour, le samedi est le moment où l’embouteillage commence. Je n’ai souvent pas le temps de corriger les textes de fin de semaine, ce qui fait que je me retrouver avec deux trois textes de décalage. Et je n’ai pas le temps d’écrire le texte qui correspond au samedi. D’autant plus qu’il demande un certain travail, puisque je fais une revue de presse dans laquelle je prends le temps de mettre par écrit ce qu’il s’est passé pendant que j’étais déconnecté.

Aujourd’hui donc, une fois les tâches ménagères accomplies, pendant que la machine tourne, j’ouvre les différents sites d’information et je prends des notes pour écrire la chronique de ce qu’il s’est passé entre vendredi soir et dimanche matin.

La tâche achevée, c’est déjà l’heure de déjeuner. Ce midi, ma femme accommode les restes du shabbat. Nous avions du poulet et il reste des légumes dans le frigo : elle hache le tout en petit morceau pour faire des sortes de gyozas.

A peine le temps de se retourner, c’est déjà l’heure d’aller récupérer mon fils. Le bus scolaire arrive vers quatorze heures quinze. On dépose ses affaires dans le petit local à vélo qui se trouve au rez-de-chaussée, et on va faire quelques courses au supermarché. Il nous faut, entre autres, du nori pour faire des makis avec le reste du riz d’hier, et du cacao, pour faire un bon chocolat chaud cet après-midi.

Mon fils demande si on peut prendre un Pez, ces petits jouets en plastique qui distribuent des bonbons. Aujourd’hui, il choisit une espèce de troll bleu qui lui plait beaucoup.

L’après-midi passe tranquillement. On fait du chocolat chaud avec de la crème chantilly maison, et on regarde des dessins animés. Une copine nous dit qu’elle a une grippe terrible et que l’anniversaire qu’elle devait organiser demain pour son fils n’aura pas lieu avant quelques jours. Ma femme décongèle de la soupe au poulet qu’elle met dans des containers. Quelques litres pour la requinquer !

Vers dix-huit heures trente, enfin, les enfants sont prêts à aller se coucher. Ma fille est exténuée : elle n’a pas fait la sieste. Mon fils l’est tout autant (il a mal dormi la nuit passée), mais veut continuer à lire.

A dix-neuf heures, enfin, ils sont au lit, et s’endorment tranquillement.

Ma femme et moi dînons, et nous avons même le temps de regarder un film.

Fin d’un dimanche banal. Un dimanche comme beaucoup d’autres dimanches avant le début de la guerre. Quelques heures de normalité perdues dans une région en crise. Quelques heures de normalité, un luxe.

Fin du 135ème jour, 18 février 2024, 9 adar I 5784.